Après Leplée, c’est aux cotés de Raymond Asso qu’elle poursuit son ascension. Il l’aide et joue un rôle crucial dans son évolution en tant que chanteuse professionnelle de music-hall. Et, grâce à "Mon Légionnaire" de Marie Dubas, Edith PIAF commence à façonner son répertoire et l’ABC, prestigieux music-hall Parisien dont elle rêvait, lui ouvre ses portes.

Edith PIAF, s’impose comme l’une des voix de la chanson réaliste typique des années 30 et nous y plonge abordant les thèmes de l’amour et des destins tragiques. Si son ascension se fait réellement dans les années 40, "Mon Légionnaire" est l’une des premières chansons à définir son répertoire. Elle y incarne un style profondément humain et tragique. Sa voix, nous entraine dans un voyage émotionnel et porte une intensité dramatique forte accompagnée d’une mélodie qui renforce la tension entre amour et souffrance. "Mon Amant De La Coloniale" est mélancolique et passionné. La puissance et l’assurance vocale d’Edith PIAF se marient parfaitement à la musique qui apparait triomphante. "Mon Cœur Au Coin D’une Rue" est plus intimiste. Avec ses interprétations émotives et sa voix déchirante et fragile, elle capture l’amour et la passion chargés de désirs, de regrets et de désillusions sur des arrangements musicaux discrets et mélodieux.

À travers son art, nous ressentons la tristesse et l’incertitude qui planent en cette fin des années 30 dans certaines chansons françaises. "Le Fanion De La Légion" se manifeste, très narratif mêlant lyrisme et moments parlés qui accentuent un effet tragique et théâtral. La musique solennelle, un aspect militaire en ressort grâce aux tambours rythmés et aux trompettes tout comme dans "Le Contrebandier" qui poursuit sur un ton dramatique. PIAF dénonce, déclame et déploie son art telle une poésie. Une silhouette gracile qui interprète, avec une puissance vocale impressionnante, des chansons s’ancrant dans le contexte historique de cette période.

Dans ses chansons, elle incarne avec force l’univers des classes populaires, notamment en évoquant des lieux. "Entre Saint-Ouen Et Clignancourt" a un côté nostalgique et introspectif, symbolisant les débuts modestes de l’artiste et illustrant le chemin parcouru. Des repères géographiques qui deviennent repères émotionnels. Tout comme "Dans Un Bouge Du Vieux-Port", l’arrangement musical à l’accordéon dansant s’inscrit à merveille dans l’esprit des bals musettes. Un univers que nous retrouvons avec "Il N’est Pas Distingué", qui, derrière ses trois temps dansants et populaires est très dénonciateur. Autre lieu, autre dénonciation, "Paris-Méditerranée" oscille entre un tempo agité et pressant et une lenteur dramatique. Ainsi, PIAF capture des moments et donne la parole aux petites gens et y exprime les désillusions.

Cette narratrice de l’âme humaine chante "Y’Avait De Soleil" qui reflète l’atmosphère du cabaret, grand lieu de rencontre, où elle a fait ses débuts. C’est une musique à l’arrangement discret qui navigue entre un piano légèrement jazzy et un accordéon dansant. Elle peint un joli tableau expressif, tout en description imprégné d’une atmosphère mélancolique, chaleureuse et réconfortante dans "La Petite Boutique". La mélodie y est gracieuse.

"Ne M’écris Pas" et "Chand’d’habits" s’étendent avec une orchestration au tempo lent qui se développe tout en nostalgie. Deux interprétations dans lesquelles Edith PIAF déploie tout son spleen.

"Correque’et Reguyer" se construit sous forme de jeux de mots, un exercice de style, à la construction poétique argotique. Une chanson un peu mystérieuse, un peu comique sur un arrangement musical simple et léger, n’agissant qu’en ponctuation des paroles.

Edith PIAF est dotée de ce joli don ; à travers une voix fragile et puissante, elle fait vivre son art et elle laisse derrière un sillage d’émotions et, les mots bien que simples portent en eux une poésie brute et précieuse. Dans ces interprétations ci, elle incarne la souffrance sublimée.