On peut avoir dansé et chanté "Water" un peu trop de fois, il faut aussi savoir lever les sourcils de temps en temps. Quand la jeune artiste sud-africaine TYLA débarque avec ce tube en 2023, elle accouche d’un hit estival idéal pour contrer la canicule et nous coller à la peau. Sa voix est douce comme un parfum d’été, son déhanché sensuel et sa musique permet à l’Amapiano - ce courant de house sud-africaine - de briller en se mêlant aux rythmes pop-R&B qui font les beaux jours de charts. La reine de la Popiano est née.

Oui mais voilà, l’amapiano a beau se faire une belle réputation à l’internationale, quand "Water" arrivait tel un tsunami, le premier album de la belle, tout simplement intitulé Tyla et Tyla+ dans sa version deluxe, peine à reproduire la secousse. Sorti en 2024, le projet m’a donné envie d’être emportée par la vague, mais comme pour la langueur bien chantée néanmoins lisse de "Water", le disque nous présente une artiste de 22 ans peut-être encore un peu trop sage.

Contrairement à d’autres, la version deluxe ouvre les festivités avec trois titres bonus plutôt que de nous faire poireauter inutilement. "Shake Ah" présente une jolie production gorgée de soleil et de percussions amapiano, suivi du single injecté aux sonorités doucement reggae "Push 2 Start" dont la vibe sensuelle reste dans la même veine que "Water". J’aime beaucoup moins l’atmosphère de "Back To You", une sorte de ballade R&B qui s’appuie beaucoup trop sur ces synthés planants bien qu’ils restent élégants.

On a encore droit à quelques chialantes de ce type, que ce soit "Priorities", la chanson de teenager amoureuse faite de cordes tendres "Butterflies" ou encore "To Last" sur laquelle TYLA apparait plus grave, un peu plus adulte. Il y a une sorte de tendresse qui ressort de sa musique et pas uniquement des morceaux plus lents comme ceux-ci et si les synthés y sont moelleux comme tout, les percussions afrobeat restent toujours assez appuyées pour nous donner envie de danser. Malheureusement le petit côté lounge music me prend vite la tête, je trouve toutes ces textures qui flottent carrément anesthésiante alors je préfère des chansons qui gardent cette ambiance chill tout en conservant une vraie colonne vertébrale comme "Safer", plus magnétique grâce à des choeurs presque gospel pendant les refrains.

J’adore le flow saccadé de "Truth Or Dare", un peu trap, un peu insolent, avec cette petite pulsation mordante qui donne envie de se repasser la chanson encore une fois et lorsque TYLA va puiser dans une voix chaude quasi néo-soul sur "Breathe Me". On change de tempo avec un amapiano ralenti et coulant, un chant R&B vaporeux mais assuré en particulier sur "On And On" et sur le single "Art".

Le duo "On My Body" avec BECKY G est très cool, les chanteuses nous enveloppent dans de jolies harmonies. Petite ambiance légèrement reggaeton insufflée par BECKY G pour pimenter un peu notre affaire, on sort davantage de l’ordinaire qu’à l’écoute de "No.1" en featuring avec TEMS, qui reste une bonne chanson mais ne me surprend sur aucun point. Quant au beat de la collaboration "Jump", il fait enfin chauffer un peu l’ambiance. Le rappeur américain GUNNA fait le job avec son flow signature et le jamaïcain SKILLIBENG ramène un son dancehall sur lequel TYLA fusionne ses propres influences. Enfin on se réveille et ça, c’est ce qui manquait vraiment à la première partie du disque.

Si comme moi, vous n’en pouvez plus du tube qui a tout déclenché, vous pourrez toujours profiter de l’amapiano bien dosé et la ligne vocale lancinante qui suggère avec tension sur "Water", vous pouvez vous tourner sur le remix présent dans cette version deluxe, un duo avec le rappeur Travis SCOTT, pas forcément essentiel quand il s’invite chez les autres, mais ici il pose un couplet correct qui a au moins le mérite de nous faire un peu changer d’air. Bref, Tyla+ est sympa mais pas transcendant et c’est un album qui souffre d’un véritable essoufflement tant sa tracklist est longue.

J’ai beau donner une petite note à Tyla+, la chanteuse fait définitivement danser le public à son rythme. Son charme indéniable sur scène, sa voix impeccable, son petit groove doux et parfois un peu piquant font de TYLA une artiste en pleine ascension. Sur cet album, il n’y a pas vraiment de mauvais morceaux, tout y est bien chanté et arrangé mais c’est à se demander si la chanteuse ne reste peut-être pas un peu trop dans sa zone de confort. Sa musique est fine mais elle manque d’un petit grain de folie qui ferait basculer Tyla+ vers une identité propre. C’est un joli début et elle sait nous faire voyager de la plage au club en finissant par la chambre à coucher mais à ce stade TYLA est une sirène qui n’ose pas encore s’aventurer au delà des eaux tranquilles.