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VARIÉTÉ FRANÇAISE  |  STUDIO

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Les INCONNUS - Ze Inconnus Story - Ze Chansons (1997)
Par MARCO STIVELL le 18 Avril 2025          Consultée 428 fois

Il n'existe pas vraiment de CD-compilation idéal des chansons des INCONNUS, après deux albums : Bouleversifiant ! le 11 septembre 1991 – pile dix ans avant un fait tout autrement marquant – et Les Etonnifiants en 92. Toutefois, dans leurs nombreuses versions de compilations en VHS/DVDs, souvent nommées Ze Inconnus Story, il circule un chapitre exclusivement consacré à cet aspect de leurs sketchs, couplé d'ailleurs avec un autre disque de versions karaoké.
On ne les présente plus, pas même aux 'millenials' qu'ils soient 'farmers' version génération Z (la reconnexion avec la nature, sans matière animale, sans plastique, sans OGM, mais pas sans cannabis, ni smartphone ni pierres de bien-être) ou qu'ils se fassent les bonbons d'or en revendant via Internet des cartes Pokemon et des collectors de mangas achetés en quantités et défiant toute loi (morale comprise) contre le recel.
Les INCONNUS, c'est ce qui est arrivé de mieux au milieu humoristique français depuis longtemps avant (si l'on écarte les acteurs de type Fernandel, De Funès etc.), pendant (Les Nuls, De Caunes/Garcia) et après (si l'on écarte, euh... Groland, Kaamelott et le Joueur du Grenier ?). Du moins, ils l'étaient eux-mêmes pendant six-sept années de 1989 à 1996, avant de s'auto-caricaturer un peu trop dans leur second film, Les Rois Mages en 2001. Quant aux Trois Frères : Le Retour, treize années plus tard, comment dire ?
Des sketches drôles à n'en plus finir, en spectacle live comme à la télévision. Des majeurs comme des mineurs, sans jamais trop de ratés. Une production de Paul Lederman qui, certes, a bien aidé (même si, en parallèle, il se faisait bien payer), mais le talent de Pascal Légitimus, Bernard Campan et Didier Bourdon demeure hors-pair. On pourrait citer, pêle-mêle, Fort Boyaux (pour Fort Boyard), Télémagouilles, le Cid, les Chasseurs, Maîtresses et Patients, Les Miséroïdes... Pour tous les goûts, à toutes les sauces, leur force. Et comme ils ont un certain bagage artistique, dès qu'ils s'attaquent au domaine 'audio', cela sonne juste. Sur scène, le sketch des radios est toujours impressionnant.

Et puis donc, il y a les chansons, à la télé dans leur propre émission cette fois, entre 1990 et 1993. De vrais sketchs-morceaux parodiques, écrits ensemble par le trio, même si l'on devine plus ou moins avec le recul une meilleure influence de Didier Bourdon, souvent considéré d'ailleurs comme 'locomotive' durant les différentes prestations. Les chansons révèlent souvent une écriture dans sa tonalité propre (baryton, alors que Légitimus et Campan sont ténors), "Et Vice Versa" pour exemple flagrant, et ce n'est pas pour rien s'il sera le seul à sortir un album par la suite, beaucoup plus tard en 2021.
Il est rare qu'une chanson ne soit pas introduite, entrecoupée ou poursuivie par une interview ou autre élément de sketch. Ce qui est sûr, c'est que les INCONNUS se mettent à fond dans la peau des groupes ou artistes solo qu'ils parodient, en forçant le trait, en faisant parfois d'une pierre deux coups et mélangeant ceux-ci. Idem pour des auto-citations de leurs propres idées d'une oeuvre à l'autre d'ailleurs ("Salut-anh ! *bise* Tu... *bise* vas /T.V.A... *bise* bien-anh ?"). Et au final, en plus d'un résultat pratiquement toujours désopilant, leurs chansons demeurent de vrais tubes potentiels, réels pour certains, et plus marquants que les originaux du fait de leur contexte exceptionnel.
Si l'on devait commencer par ce qui peut constituer un aspect négatif, c'est l'idée qu'une chanson sur deux (ou pas loin) est un rap. Encore que, en ce début d'années 90, il s'agit encore de cette nouvelle mode qui envahit tout sous sa forme 'funky' et les rythmes s'en font bien ressentir. Y compris celui de "Rap-Tout" et l'on sent bien d'ailleurs qu'avec "Auteuil Neuilly Passy", ce sont leurs premiers efforts dans ce domaine, avec juste les chansons, sans ornement humoristique ajouté. L'autre 'souci', c'est que mis à part les chants et les guitares (excellentes), tout est en ce début des années 90 décidément très axé sur les programmations en sus des synthétiseurs. Un peu trop 'plastique' donc.

Néanmoins, quelle maîtrise déjà ! "Auteuil Neuilly Passy", sous-titré 'rap BCBG', use de groove et de cuivres-synthés, sans oublier un ou deux intermèdes 'classiques' comme l'intro précieuse, pour détourner l'aspect 'quartier' du rap mais du côté des plus riches parisiens, avec tournage adéquat. Les noms de Charles-André Dupré pour Pascal Légitimus, Hubert-Frédéric-Patrick-Stanislas, duc de Montmorency pour Didier Bourdon (avec un bout du 'Pat' du sketch téléphonique mémorable), sont un programme à eux seuls. Quant au refrain mythique et aux répliques de type '...et dans le pire des cas, si je ne travaille pas, faudra que je reprenne la boîte de papa', ça sonne autant que ça fait rire, et puis ça rappelle qu'il y a eu des groupes moins second degré ensuite du style KLUB DES LOOSERS. Ce rap-là finit numéro 1 du top 50 tout de même.
Le tout aussi grandiose "Rap-Tout", bien que singeant le nom des trois frères voleurs antagonistes de l'oncle Picsou et son coffre-fort géant dans l'univers DISNEY, développe le concept costumes en grande pompe, avec nos humoristes grimés en vampires. L'idée ici, tout en ralentissant le tempo et en jouant sur l'ambiance 'noire saignante' (basse et flûte orientale en avant), est de 'mordre' en finesse caustique dans le système des impôts français, avec les taxes pour tout et à tout va, du domaine foncier jusqu'aux droits de succession. La légende veut qu'ils aient tous les trois subi un contrôle après ce petit élan de courage, mais le bien est fait : un sens du verbe et une intelligence pareille, ça se paie (et sans T.V.A. !) côté public en succès mérité. Leur meilleur rap.
Parmi les autres, si "Rap Shit" copie sans mal le hip-hop américain, il a beaucoup moins de relief, et le "C'est Ton Destin" dérivé du sketch de la Z.U.P. donne à sourire (notamment le "New York, Los Angeles, Boston ou... Sarcelles !!") sans être non plus le plus probant de la sélection. En fait, les INCONNUS ne sont jamais aussi bons que quand ils détournent à fond cette mode, ou alors qu'ils en prédisent la fin comme sur "Y en a Marre du Rap", même si en trente ans, celle-ci n'est (hélas) jamais arrivée. Entre l'interview, Campan indéchiffrable (petite pique à Akhenaton de IAM, pour son cheveu sur la langue) à part le mot 'fofiété' qu'il répète, les coupes improbables, les claques sur les joues pour beatbox et la mégalomanie devenue inhérente à ce genre marginal de base, tout est là.

Continuons avec les morceaux plus 'pop synthétique'. En premier bien sûr, "Isabelle a les Yeux Bleus", imparable, fait de gestuelle hilarante (Bourdon en tête avec son clavier triple dont il fait semblant de jouer), qui est en fait une parodie de PARTENAIRE PARTICULIER mais avec les looks à la INDOCHINE. Le chanteur de ce dernier groupe, Nicola Sirkis, en pleine période compliquée, prendra d'ailleurs fort mal la chose ! En tout cas, la sauce new wave tirant du rock'n'roll avec beau-gossitude prend bien, le refrain s'ancre en tête comme jamais et pour cause. Sans oublier ces coupures en interview magique (l'inspiration pour les paroles 'de Heidegger à William Faulkner en passant par... la Lorraine !'), les rires adolescents débiles, la présentation du morceau suivant qui copie le premier presque en tout points...
Quant à "Biouman", c'est à fond la carte Bernard MINET/DOROTHEE, car cette dernière en prend pour son grade, si présente qu'elle est avec son Club éponyme télé et ses chansons partout à l'époque. Didier Bourdon de nouveau en costume mais moulant et de justicier, chantant une parodie de pop japonaise, gros synthés en avant, efficace en diable, se moquant gentiment d'une jeunesse conquise par cette nouvelle culture importée. Le sketch subséquent (non présenté en audio) développe cela en revisitant brillamment les séries 'live-action' comme Bioman, Power Rangers...

Et puisque la culture française n'est pas exempte de détournements, nos INCONNUS s'en donnent à coeur joie. Pour le 'solo', il y a Florent Brunel, mélange très drôle de Patrick BRUEL et Florent PAGNY, campé par Campan avec ce côté rebelle Apollon-de-cuir très opportuniste, ce courage vite noyé dans la sympathie pour les politiciens soi-disant 'très-très méchants'. La power-ballade s'impose, et dans le clip, après un début vaporeux, le coup de poing qui s'abat sur le piano pour simuler un accord soulève un fou rire systématiquement.
Ensuite, pour le duo et en variété toujours, Campan et Bourdon singent Didier Barbelivien et Félix Gray, devenus 'Barbelavie' et 'Grave' dont le "À Toutes les Filles..." a été tube de l'été 1990. En plus d'un clip sentimentaliste vite rendu déluré (Légitimus où on ne l'attend pas, l'orgie finale !), "Un Chagrin d'Amour" est encore un petit bijou d'humour musical efficace qui ne vous lâche plus. Le leitmotiv du titre au féminin sensuel, le 'comme si l'équipe de Marseille n'avait plus Bernard Tapie' de Félix Grave, son solo guitare hero-électrique mimé sur une guitare classique.

Là où nos trois compères sont les meilleurs toutefois, c'est bien dans le rock, si franchouillard soit-il comme pour "C'est Toi Que Je T'Aime", introduit par un accordéon peu réaliste mais addictif. Avec Campan qui supplante un peu Bourdon pour le coup, il s'agit du versant 'undeground' plus ou moins populaire de l'époque, avec en mire le joyeux bordel de BERURIER NOIR, ELMER FOOD BEAT, des GARÇONS BOUCHERS et bien sûr de la MANO NEGRA. D'où le nom hésitant de Mano Verda ou Negra Bouch' Beat. L'interview courte qui précède vaut son pesant de cacahuètes Benenuts grillées à sec ('que pensez-vous de la variété ?' 'beuuuuurk !!!' 'et... la politique ?' 'beuuuuuuk !!!' 'et... la drogue ?' '...euuuuh...'), et Bourdon qui arrose la caméra de bière, et Légitimus avec son look chicano pirate avec trou dans les dents ! Quant au punk-musette de "C'est Toi Que Je T'aime", son verbiage et son refrain si bien taillés ('je sais pas comment te dire ce que je peux pas écrire, faudrait qu'invente des mots qu'existent pas dans le dico !', on ne les présente plus !
Même sans être fana de pogos etc, c'est une envie soudaine irrésistible..

C'est comme si, à côté, on avait oublié ce qui s'avère être la meilleure parodie, la plus grandiose de l'ensemble. Mais vu que c'est du (hair-)metal, pour le numéro 1 au top 50 français, bon, alors que voilà... Dousseur de Vivre, ou comment rendre GUNS'N'ROSES meilleurs qu'ils ne le seront jamais, parce qu'ils n'ont jamais été aussi bons ! Pareil, interview immanquable ('la différenceuh entreuh le bong et le mauvais hardeuh-rockeuh', c'est craché !), comme le ballon de baudruche qui tombe à l'eau, le cassage de voix à Sisteron (pour m'y rendre pas mal en ce moment, ça ressort bien), le look de Campan en Axl Rose et qui le surclasse niveau chant/cris comme en sympathie (sans rire, et il a quand même du coffre notre Bernard !), celui de Pascal Légitimus quelque part entre Phil Lynott et Kirk Hammett, mister Didier Bourdon qui mime fort bien Slash y compris quand il lève les mains... Le faux-live massif pour "Poésie", chanson tonitruante qui détourne les rimes de Charles Baudelaire, la rupture briquets + Jean-Sébastien BACH (Que Ma Joie Demeure) en power-ballade instrumentale, tout cela il fallait ne pas le faire, mais il l'ont fait. Et c'est 'priceless'. Mention spéciale aux guitaristes Alain Granat (son clair) et Patrick Maarek (son distordu) qui livrent là le meilleur d'eux-mêmes.

N'oublions pas, enfin, dans un style plus gentillet mais pas moins corrosif, le sketch dédié au top 50 ('waouh ! Est-ce que tu continues le groupe en solo ??') qui offrait d'ailleurs des clips courts pastichant à merveille les FORBANS aussi bien que The CURE feat. Vincent LAGAF'. Et surtout donc, nos fameux Tranxen 200, nom à peine détourné du nom d'un médicament anti-dépresseur. Un choix d'autant plus intelligent que "Et Vice Versa" est une douce pop californienne au violon larmoyant et au riff mandolinesque, à la mélodie fine et imparable. Une des chansons les plus mémorables de la carrière des INCONNUS, en mode cheveux-au-vent, à mi-chemin entre les INNOCENTS et Tom PETTY & The HEARTBREAKERS. Elle repose sur un aspect dissertation philosophique censée transcender la sempiternelle rupture amoureuse en chanson et par notre Didier Bourdon illuminé (sa belle voix grave domine), pris par son marathon intellectuel très premier degré (rires !) et qui a de quoi perdre tout le monde (y compris ses deux acolytes, re-rires !) mais qui, au final, ne fait que mieux le rassembler. 'Et tout deviendraaa claiiiiiir'... Grandiose à sa manière, le clip se passe dans un champ, regards au loin, rêveur et plein d'héroïsme (ha ha) pour se finir dans la bouse de vache et (dans le cas des instruments) sous les tracteurs, façon Woodstock de la Beauce, planant mais sans liesse. (Bourdon) 'Et tu diiiis...' (choeurs Campan et Légitimus, qui comprennent rien) 'et tu diiiiiiis'... À défaut d'obtenir le bac avec mention et sans migraine, c'est joliment taillé pour les bacs ! Les INCONNUS avaient donc là mieux que des hits de l'été ou de Noël ou de ce que vous voulez. Ils étaient grands, et pour preuve en quelques notes/répliques, ce rang ne leur sera jamais enlevé !

Note réelle : 4,5

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   MARCO STIVELL

 
  N/A



- Didier Bourdon (chant, choeurs)
- Bernard Campan (chant, choeurs)
- Pascal Légitimus (chant, choeurs)
- David Dahan, Yann Fischer (programmations)
- Patrick Maarek, Alain Granat (guitares, programmations)


1. Rap-tout
2. C'est Toi Que Je T'aime (la Mano Verda – Negra Bou
3. Auteuil Neuilly Passy (rap Bcbg)
4. Isabelle A Les Yeux Bleus
5. C'est Ton Destin
6. Florent Brunel
7. Rap Shit
8. Un Chagrin D'amour
9. Chanson Hard-rock (poésie)
10. Et Vice Versa
11. Y En A Marre Du Rap
12. Chanson De Biouman



             



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