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2015 Sprained Ankle

Julien BAKER - Sprained Ankle (2015)
Par ARCHANGEL le 20 Avril 2025          Consultée 113 fois

Née au sud des Etats-Unis dans le Tennessee près de Memphis, l’histoire de Julien BAKER bascule pendant son adolescence. Elle qui grandit dans une famille baptise très pratiquante au sein de laquelle Dieu et la musique sont omniprésents, elle ose faire son coming out dans un red state ultra conservateur où la foi est souvent plus rigide que les cordes d’une guitare, son instrument de prédilection. À l’université, elle compose et écrit Sprained Ankle, son premier album, sorti en 2015. Elle a tout juste vingt ans.

Vingt ans et un visage doux, alors ne vous étonnez pas si vous faites la rencontre de la vulnérabilité à l’état pur à travers la voix de BAKER. Sur "Blacktop", on découvre son chant un peu timide qui laisse vibrer les mots sur les accords de guitare. Jeune adulte en quête d’identité, Julien raconte une sorte d’errance sur de jolies cordes épurées (But if no one sings along in praise/Are you still proud when I open my mouth?). Elle nous glace dès l’ouverture de la chanson-titre "Sprained Ankle" (I wish I could write songs about anything other than death), où le riff se répète mécaniquement avec une douceur folk sans fioritures.

Je trouve que sa voix est bouleversante d’humanité, ni classique ni parfaite, fine et toujours sur le fil, comme si elle allait se casser à tout instant, en particulier dans le très beau morceau "Brittle Boned". Son chant est plus espacé, émouvant et aérien, lui succède cette guitare tendue et on oublie aussitôt qu’on écoute une performance musicale (This will be quick and easy, I’m not gonna feel a thing/Lie and say it’ll be alright, like a stray falling asleep/Cause I’m so good at hurting myself). JULIEN chante la peur terrible de ne pas suffire et sa guitare joue l’effondrement.

Sprained Ankle, c’est une foi ébréchée mais qui persévère malgré tout et elle traverse tout cet album à la recherche de la lumière, tel un fil rouge qui résonne au son de la guitare, parfois plus affirmée comme sur la jolie progression de "Everybody Does". BAKER projette sa voix éraillée beaucoup plus fort qu’avant et le refrain fait mal (I know I’m a pile of filtre wreckage/You will wish you’d never touched/But you’re gonna run when you find out who I am). Julien anticipe l’abandon sur la mélodie probablement la plus entraînante du projet, une façon peut-être d’accepter de regarder ses peurs droit dans les yeux. Dans tous les cas, la douceur y est désarmante.

Pas un artifice ne vient dénaturer ces notes qui sonnent si juste dans "Good News", où l’instrumentation s’élargit, chargée d’amertume lorsque BAKER revient sur ses addictions (Because it’s heavy, I’m trying really hard/To keep my nose clean, the blue out of my arms/But it’s not easy, it’s not easy). La guitare paraît aussi fragile que le vibrato discret de celle qui la tient comme une boussole.

Plus atmosphérique, le titre "Something" donne cependant dans l’implosion contrôlée, celle d’une grâce blessée et d’une guitare en larme, avec une superbe performance vocale de Julien, La dynamique change grâce à ce crescendo qui frôle le cri mais s’évanouit dans une voix remplie de souffrance. Attention, car quand elle hurle, BAKER transperce : "Rejoice" est le sommet de cet album. Quelques accords de guitare, une voix qui chancelle et qui fiche des frissons, c’est le style de Julien, une folk minimaliste et terriblement intime, mais pas celle des grands horizons ; plutôt celle du journal intime enfermé à clé dans un tiroir (Give me everything good and I’ll throw it away). On passe du murmure à la fracture et ici ses montées vocales sont comme une prière. Car la foi est là, quelque part même si elle est silencieuse (But I think there’s a God and he hears either way/When I rejoice and complain/Lift my voice that I was made).

Il y a un petit côté mystique dans l’air de rêverie qui s’échappe de "Vessels". BAKER chante lentement, écoute l’écho du silence et raconte le corps abimé, l’âme brisée sans oublier la rédemption sur cette guitare planante qui semble trembler elle aussi (Vessel of brightness, comme make me blind/This present darkness is swallowed by light). Sur "Go Home", la guitare est là mais moins centrale et le piano se fraie une belle place en menant Julien sur cette dernière chanson follement triste. On l’écoute avec attention, la douleur s’émane sans répit pendant cinq minutes durant lesquelles on comprend que la confession peut devenir art.

Julien BAKER possède une voix qu’on oublie pas. Qu’elle tremble, qu’elle brille ou qu’elle hurle, Julien c’est cette voix-là. Les réverbérations profondes de la guitare secourent secourent la chanteuse d’une solitude qui retentit souvent trop fort. Il y a des artistes qui débarquent sans frapper et BAKER en fait partie. Sprained Ankle c’est une fissure dans un sol qu’on pensait solide, où les arrangements se font rares. C’est un acte de foi qui n’est jamais démonstratif et qui repose sur l’essentiel : l’intention. Julien et son coeur fissuré n’ont pas besoin d’orchestre pour nous faire pleurer : une guitare, un micro et le tour est joué.

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   ARCHANGEL

 
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- Julien Baker (chant, guitare, piano)


1. Blacktop
2. Sprained Ankle
3. Brittle Boned
4. Everybody Does
5. Good News
6. Something
7. Rejoice
8. Vessels
9. Go Home



             



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