SAINT LEVANT, c’est un melting pot. D’origines (franco-algérien par sa mère, palestino-serbe par son père), de lieux d’ancrage (né à Jérusalem, il navigue ensuite entre Gaza, Amman et la Californie où il suit des études en sciences politiques), de langues (arabe, français, anglais), d’instruments (saxophone, piano, guitare) et d’influences (KHALED, Michael JACKSON, EMINEM, STROMAE). Derrière ce nom de scène se cache Marwan Abdelhamid, un jeune artiste de 24 ans qui propose avec son premier album Deira un brassage des genres musicaux qu’il est difficile de qualifier.

Dans "On This Land", SAINT LEVANT invite le groupe palestinien Sol BAND. Les cordes (guitare, violon, oud) vibrent avec finesse dans une folk arabe qui carillonne comme une prière avant que le piano ne prenne ses quartiers pour mêler ces sonorités orientales au rap presque murmuré du chanteur. Les harmonies sur les choeurs viennent tout simplement magnifier cette chanson de racines et de tensions (Our biggest weapon is our family trees/We didn’t choose to live this life overseas) qui reste très joyeuse. La transition vers "Forgive Me" est ultra bien maîtrisée et l’ambiance repart de plus belle sur ce banger trilingue aux mélodies pop et au beat millimétré. Dessus, notre polyglotte chante aux côtés du rappeur algérien TIF (J’suis déter’ à mort but I need to be better/Cause I’m only half of the man I could be) et on tient probablement le morceau le plus mainstream du projet avec ces synthés qui se fondent au reste des instruments.

Le single "Galbi" (mon coeur en arabe) penche plutôt du côté de la ballade R&B. Les violons y sont sophistiqués, les percussions pulsent et la voix de SAINT LEVANT se pose d’une manière que j’aime beaucoup même si le titre en lui-même ne me marque pas vraiment. A contrario, j’adore le single "5am In Paris", encore une chanson trilingue où le chanteur rumine sa quête d’appartenance (Mon corps à Paris, mon coeur à Gaza, mon âme à Alger, mon ex à Casa/Ma meuf à LA/Me prend dans ses bras/J’me sens chez moi nulle part). Les synthés cristallisent cette instru quasi trip-hop, aux teintes house bien agencées.

La nana de Marwan, la chanteuse NAÏKA, fait les choeurs dans "Let Her Go", un duo entre notre saxophoniste et la chanteur algérien Cheb BILAL qui y révèle cette tradition raï qui passe toute seule et qui n’agace jamais. La sublime ballade "Allah Yihmeeki" (que dieu te protège) nous emmène vite vers des airs de fusion néo-orientale. SAINT LEVANT donne la réplique à l’américaine KEHLANI qui avait déjà pris position pour la Palestine depuis quelques années. Hip-hop, pop arabe, au final peu importe, ça s’écoute à merveille et les choeurs sonnent tel un manifeste de cette belle complexité des genres.

SAINT LEVANT met à l’honneur le rappeur palestinien MC ABDUL, un ado de 16 ans, dans le très bon single "Deira". Les nappes de synthés créent de l’espace dans ce beat dur mais pas agressif. Titre fort où la jeune voix de Gaza livre un couplet nécessaire sur une production aux cordes martiales (Praying that my family could stay alive/Imagine tryna fly with no wings/But I promise you the caged bird sing in the wintertime/Heavy nights, big dreams/Praying that we make it to sixteen). On retrouve cette intelligence musicale fine dans le titre "Comme c’est beau" : violons, percussions, guitares, tout est là pour qu’on sente le soleil sur notre peau (There is peace in this life overseas/J’me sens déraciné/J’viens du pays qui donne vie aux olives mais notre terre a séché) et quand SAINT LEVANT pose les lèvres sur son saxophone, la perfection est toute proche !

Deira, s’il fallait résumer… 20 minutes de pop diasporique, de rap politique et un phrasé trilingue maîtrisé par un musicien qui incarne en tout point cette nouvelle génération d’artistes transnationaux et multi-genres. SAINT LEVANT compose avec cette multiplicité, fait une proposition musicale consciente de son héritage et ce qu’il orchestre ici dépasse la fusion des genres, il remet du souffle dans la machine.