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2025 Antigone
 

 Eiko Ishibashi Bandcamp (7)

Eiko ISHIBASHI - Antigone (2025)
Par STREETCLEANER le 12 Mai 2025          Consultée 157 fois

Eiko Ishibashi est une compositrice, pianiste, percussionniste, multi-instrumentiste et chanteuse japonaise qui a déjà de nombreux albums et collaborations à son actif depuis le milieu des années 2000 (elle est née en 1974). Sa musique touche autant à la pop jazzy (Car and Freezer, 2014), qu’à l’électronique expérimentale et improvisée (Hyakki Yagyō, 2020 ; For McCoy, 2022) ou la musique contemporaine instrumentale (I’m Armed, 2012) et même la musique pour films (Drive My Car – Original Soundtrack, 2021 ; Evil Does Not Exist, 2024 – pour laquelle elle a été récompensée de la meilleure musique originale aux 17èmes Asian Film Awards). L’album a été produit et mixé par l’incontournable Jim O’Rourke, avec qui elle a déjà travaillé et qui intervient également en tant que musicien. Le titre de l’album Antigone est une référence à la tragédie écrite par le poète grec Sophocle.

Ce dernier album, Antigone, est l’occasion de revenir à une pop qui baigne dans des atmosphères d’apparence plutôt feutrées et jazzy. Et surtout à des chansons car elle n’avait plus réalisé un album de chansons depuis 2018. On y retrouve également des touches orchestrales, cinématographiques, funk, ambient, voire encore concrètes. Au départ, explique-t-elle, elle voulait "faire un album à la Julie Crews, où les gens flottaient dans un bar à la fin de la journée" et c’est vrai que l’on retrouve un peu de ça parce qu’il s’agit d’une musique globalement smooth et insouciante, même si éloignée d‘une musique de fond qui était son idée de départ. Mais à force de la travailler elle s’est complexifiée et densifiée et est devenue autrement plus sérieuse.

Car elle s’est également assombrie, Ishibashi ayant été happée par la réalité du monde et si un thème se dessine en filigrane dans cet album il se défini, selon elle, par le mot "graveyard" (cimetière), un mot qui apparaît deux fois dans ses textes. Si le chant, essentiellement en japonais (seule "Nothing As" est écrite en anglais), dresse une barrière complexe pour une approche textuelle (malgré les traductions), comme l’utilisation du mot "génocide" dans "Mona Lisa" ("Genocide, glimpsing through each day / Where does the wind go?"), il est évident que la musique offre plus d’aspérités. Peut-être aussi que certaines paroles de "Coma" font-elles références aux conflits actuels, en Ukraine et au Proche-Orient : ("This is your grid, watched by the security camera / You still have some time / to be a survivor in eden") ; ou dans "The Model" où une voix (par l’artiste ermhoi) cite un extrait de La Politique de Santé du 18ème Siècle de Michel Foucault, une chanson qui n’est pas sans lien avec une rencontre inspirante entre la chanteuse et un patient atteint de SLA, une chanson hantée dans sa conception par les questions autour de l’euthanasie et de l’eugénisme. Compte tenu de la barrière de la langue je ne m’attarderai pas plus que cela sur les textes mais je tenais toutefois à en toucher un mot.

La musique de Antigone est frappante par ses revirements d’atmosphères et d’humeurs. Ainsi des passages de la lumière à l’obscurité menaçante ne sont pas rares ; comme des sortes de climats changeants qui passent du beau temps à l’orage inquiétant pour revenir ensuite au beau temps. Des climats régulièrement sur la ligne de crête donc qui jouent au funambule mais qui restent absolument maîtrisés ("October", "The Trial", "The Model"). Frappante aussi par une abondance d’harmonies riches et d’instrumentations foisonnantes (saxophones, accordéon, violon, violoncelle, synthés, piano Rhodes). La voix de Ishibashi prend la forme d’un souffle fluet mais dont le timbre n’est absolument pas désagréable, il y a quelque chose de doucereux dans cette voix ; "Coma" vise à l’assoupissement et n’est pas sans posséder une certaine sensualité, les refrains là aussi tranchent avec une forme de torpeur enveloppante et confortable. Si "Nothing As", co-écrite avec O’Rourke, est une composition moins en relief avec son chant susurré et sa section rythmique neurasthénique, un autre titre très calme "Continuous Contiguous" s’en sort mieux grâce à ses jolies mélodies soutenues par les élégantes textures de l’accordéon et du piano.

Avec ses plus de huit minutes "The Model" est le plus long morceau de l’album, en clair-obscur avec ses passages tendus ; un des plus beaux aussi malgré une batterie à contretemps qui vient apporter un peu d’aspérités lors des parties les plus calmes puis qui s’en va dans une fin orchestrale et expérimentale qui n’est pas sans rappeler les seventies ; les seventies, les envolées orchestrales cinématographiques et la pop typiquement japonaise… on marche sur un terrain qui nous dit vaguement quelque chose sur le dernier "Antigone", avec toujours une batterie à contretemps, qui clôt magnifiquement ce très bel album. C'est très joli et c'est ce qui fait que cet album est indéniablement pop dans sa génétique.

Il faudra peut-être un peu de temps pour bien entrer dans cet album qui s’avèrera plein de délicatesse et de subtilités, et au final vraiment charmant ; le chant en japonais pourrait dérouter ceux qui n'y sont pas habitués. Ishibashi disait avoir mis du temps à se décider à réaliser un nouvel album chanté car cela exigeait plus de temps à une époque où de moins en moins de personnes écoutent un album entier. Et c’est vrai, qui de nos jours prend vraiment le temps de découvrir un album ? Au final bien lui en a pris car de ce que je connais de sa discographie il s’agit là d’un de ses plus beaux albums.

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- Eiko Ishibashi (compos, chant, piano, rhodes, synthés, sons)
- Jim O'rourke (synthés, basse, batterie programmée)
- Kalle Moberg (accordéon)
- Kei Matsumaru (saxophones)
- Ermhoi (voix)
- Marty Holoubek (basse)
- Toshioaki Sudoh (basse)
- Kurin Uchida (violoncelle)
- Joe Talia (batterie sur 3, percussions sur 1 et 2)
- Tatsuhisa Yamamoto (batterie)
- Mio.o (violon)
- Brussels Philharmonic (orchestre sur 7)


1. October
2. Coma
3. Trial
4. Nothing As
5. Mona Lisa
6. Continuous Contiguous
7. The Model
8. Antigone



             



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