Autant l'avouer derechef, la genèse de FROM WITHIN reste un mystère. On sait seulement que Richie Hawtin admirait grandement le travail de Pete Namlook et qu'il se rendait régulièrement en Allemagne au début des années 90. Des villes comme Francfort, Cologne et évidemment Berlin étaient alors des foyers majeurs de la techno en Europe, où fleurissaient clubs et festivals accueillant des artistes du monde entier. De son côté, Pete Namlook s'était aussi constitué un sacré carnet d'adresses, invitant de grands noms de la nouvelle scène électronique, de Geir Jenssen à Tetsu Inoue, en passant par Mixmaster Morris, Bobby Bird, David Moufang ou encore Uwe Schmidt. Devant la notoriété grandissante du Canadien, on imagine mal notre cher Peter se retenir de lui proposer un petit détour par son studio de Traben-Trarbach. From Within sort à un moment où Hawtin avait sans doute déjà commencé à concevoir Musik. Ce premier déplacement en terre rhénane était certainement pour lui l'occasion de continuer à innover, en expérimentant en compagnie de son hôte qui ne demandait pas mieux.

Comme à l'habitude, Pete Namlook laisse beaucoup de place à son invité, tout en l'encourageant aussi à prendre son temps. Au contraire d'un album de PLASTIKMAN donc, les morceaux ne descendent jamais en-dessous des douze minutes – exception faite de "Lost" en conclusion du disque. Richie Hawtin consent à des rythmes davantage dilués, mais également plus subtils en comparaison des beats très percussifs auxquels Dimension Intrusion et Sheet One nous avaient jusqu'alors habitués. Oscillant aux frontières de l'ambient et de la techno, From Within se compose majoritairement de motifs répétitifs et simples, faits de sons acides, au tempo modéré voire lent, complétés par des nappes atmosphériques. Les textures sont assez organiques, moelleuses même, et nos deux compères surprennent aussi par des ambiances luxuriantes. Tout cela nous rappelle grandement un autre classique du label Fax, Dreamfish, que Namlook avait alors enregistré une année plus tôt en compagnie du camarade Mixmaster Morris.

From Within se montre d'ailleurs tout aussi psychédélique que ce dernier. From within our minds to yours nous annonce la pochette interne, comprenez : "de l'intérieur de nos esprits vers le vôtre". En somme, Richie et Pete nous invitent à un voyage mental partagé, vers des contrées fabuleuses et imaginaires. "Snake Charmer" nous propose ainsi d'emblée une épopée onirique, contemplative et rythmée. Dans le même registre, "Homeward Bound" se montre encore plus lumineuse et colorée. En revanche, "Sad Alliance" ralentit le mouvement, se concentrant sur sa ligne de basse et une ambiance minimaliste, nous laissant dériver dans le vide sidéral. Quelques notes au piano lancent enfin les boucles synthétiques et acides de "A Million Miles to Earth", pièce maîtresse de l'album, une demi-heure d'une lente transe relaxante, en rotation autour de la planète, morceau lysergique par excellence.

Régulièrement cité parmi les meilleures sorties du label Fax, From Within reste au contraire plutôt boudé par les amateurs de Richie Hawtin en général. Cela tient peut-être au fait qu'il s'agit là d'une œuvre plus ambient que techno, souvent moins rythmée en tout cas qu'un album de PLASTIKMAN. Malgré tout, il serait dommage d'en faire l'impasse uniquement pour cette raison. Mis à part l'inutile "Lost", cette première collaboration est en effet une vraie réussite, une épopée stellaire captivante et immersive, une référence même de l'ambient techno des années 90. Deux autres rencontres suivront, From Within 2 en 1995 et From Within 3 en 1997.