AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Dublin, de nos jours. Deux âmes se rencontrent. Lui vivote en aidant son père, réparateur d’électroménager, et passe le plus clair de son temps dans la rue, guitare en bandoulière, à chanter ses (dés)illusions. Elle arrive d’Europe de l’Est, partagée entre le désamour d’un mari qui est plus qu'un étranger et la nécessité de subvenir aux besoins de son enfant. Coup de foudre. Non, rectifions, car il ne s’agit pas ici d’un coup de foudre banal entre deux adolescents peroxydés que nous servent les comédies romantiques américaines. Il s’agit ici d’un coup de foudre musical, qui voit deux êtres ne faire qu’un par le biais de cette machine infernale. La fusion pour l’émotion, deux âmes s’unissant dans la production d’un chef-d’œuvre.

Arrêtons là la narration du film, il ne faudrait pas gâcher le plaisir d’en découvrir la fin. Parlons plutôt des acteurs. Lui, c’est GLEN HANSARD, leader, chanteur et guitariste du groupe de rock irlandais THE FRAMES. Elle, c’est MARKETA IRGLOVA, jeune pianiste et compositrice de grand talent. Si ONCE raconte une histoire, c’est également avant tout une formidable vitrine pour ces deux musiciens qui en signent intégralement la bande originale. Des compositions acoustiques, pop-folk, mettant tantôt l’accent sur le piano lacrymal de MARKETA, tantôt sur la guitare très folkisante de GLEN. Les deux alternent également leur place au chant, mais les morceaux sur lesquels leurs voix s’entremêlent causent de véritables frissons.

Sans être réellement désespérées et/ou pessimistes, les 13 compositions qui forment la bande originale du film véhiculent une certaine tristesse dans laquelle l’auditeur se complaît parfaitement, et en redemande. Une atmosphère différente en fonction des intervenants. Les titres de GLEN sont plus rageurs, porteurs d’une tristesse bruyante, dérangeante, symbolisée par la voix écorchée de ce dernier et la maltraitance de sa guitare acoustique. "Leave", "All the way down", "Say it to me now", en sont les avatars. MARKETA, quant à elle, transmet une tristesse plus pudique, dénuée de tout artifice. Les paroles s’adressent à l’Autre, celui que l’on pense connaître mais qui n’est qu’un étranger. Manque de confiance en soi, sentiment de culpabilité, de trahison, tels sont les thèmes abordés par cette jeune virtuose d’origine tchèque. "The hill" est la meilleure représentation de cette solitude empreinte de tristesse. Mais c’est bien lorsque les deux âmes se mêlent que l’émotion se fait la plus forte. La voix de MARKETA, légèrement en retrait, renforce la puissance dégagée par celle de GLEN, parfois très proche de celle de CAT STEVENS, pour un résultat que des mots peinent à décrire. "Falling slowly", "If you want me", "When your mind’s made up", sont tout simplement des éléments constitutifs d’une des meilleures BO que l’on ait pu entendre depuis bien longtemps.

ONCE, ou comment une bande originale prend la place de l’intrigue et devient l’élément constitutif principal d’un film, tant et si bien que l’on en vient à se demander si ce dernier n’a pas été bâti autour de ces superbes treize morceaux. Un grand moment de musique en tout cas.