Sorti en 1997, Fantasma constitue avec Point (2001) un noyau dur dans la discographie du Japonais Keigo Oyamada. Le multi-instrumentiste et chanteur du pays du Soleil Levant aime assurément la pop mais aussi bien d’autres choses. Il est clair que la musique est pour lui une activité ludique, il aime jongler avec les sons, avec les couleurs et les matières, les structures rythmiques. On ne sait jamais sur quoi on va tomber à l’écoute d’un de ses albums, notamment quelle forme va prendre la chanson suivante ? Il est sûr qu’une telle débauche d’approches variées ne fera pas consensus mais pour ceux qui ont l’esprit ouvert et qui se sentent explorateurs musicaux, tirer la carte Keigo Oyamada c’est assurément une bonne pioche. D’emblée, avec "Mic Check", il nous fait sourire après avoir siffloté l’air du 1er mouvement de la 5ème de Beethoven ; l’essai micro nous embarque dans une rythmique de type abstract hip-hop, gorgée de lumière, et où un guest joue avec ces deux mots "Mic Check". C’est également "Count Five or Six" où Oyamada répète inlassablement en anglais "123456", un titre à l’esprit punk bien servi par un bon riff de guitare rock. Ces délires sont autrement plus réussis que le navrant album de KATERINE de 2010 qui avait oublié la musique. Parmi les autres bizarreries, "The Micro Disneycal World Tour" singe, tout en chantant, une fanfare sous acide qui se serait échappée de l’attraction It’s A Small World, le côté enfantin étant évoqué par un brillant vibraphone : marrant, joueur et sans prise de tête. Les effets de cordes c’est évidemment le côté pop de la chanson, on n’est pas très loin des FLAMING LIPS. Une autre drôlerie c’est "Magoo Opening", là aussi une fanfare endiablée, petite speederie entre jeu vidéo de plateforme et dessin animé ; ou "2010" dans un registre proche en mode ‘clavecin’. La pop, bien sûr, est omniprésente ; la plus évidente "God Only Knows", hommage à la chanson des BEACH BOYS sur l’album Pet Sounds. Et si vous avez un doute regardez le livret, où Oyamada tend de la nourriture à un chat dans un jardin (et non une chèvre comme sur le fameux album de 1966). Harmonies vocales superposées, accompagnement de type orchestral avec cordes et cuivres, on y retrouve même des arrangements vocaux en canon comme sur le titre du groupe américain, voilà les recettes d’une très bonne chanson pop (la meilleure de l’album et ce n’est pas une reprise). Au passage, il est toujours impressionnant de constater à quel point les artistes japonais d’après-guerre sont de bons connaisseurs de la culture occidentale. Son hommage est donc une belle chanson dans laquelle il n’hésite pas à mettre en avant la batterie, notamment pendant les refrains. Sur le rivage pop il faut encore noter "Star Fruits Surf Rider", une chanson cool accompagnée d’une guitare folk mais où les refrains doivent composer avec une batterie surprenante en mode breakbeat ; il est clair que le Japonais joue sans contrainte. De son côté "Chapter 8 – Seashore And Horizon" fera inévitablement penser aux BEATLES, une jolie chanson ensoleillée bien dans le style de nos 4 Anglais. "Thank You For The Music" c’est l’harmonica, le banjo, une batterie sautillante, des harmonies vocales en veux-tu en voilà, des arrangements de cordes, quelques effets psychédéliques, c’est là encore un bel hommage à l’héritage des années 60. Sur un autre rivage, il y a le rock un peu noisy de "New Music Machine", à la SONIC YOUTH ou "Clash" qui met en présence un fort contraste entre couplets calmes et refrains explosifs, qui n’est certes pas le meilleur titre de l’album mais qui fait le taf. Ou "Free Fall" un titre qui ne se prend encore pas la tête côté lyrics mais qui est joliment entraînant et nous fait de nouveau sourire par son aspect faussement dilettante. Au final un bon gros 4/5 pour ce bel album mais je ne sais pas combien de personnes de nos jours sont en mesure de l’apprécier vu comment la musique est formatée. Tant pis pour elles.