Les fans attendaient le retour des soeurs HAIM depuis cinq longues années. Elles se sont faites très discrètes depuis la réception positive reçue pour Women in Music Pt. III et viennent de sortir leur quatrième LP, I Quit, qui arrive cet été sous le signe du renouveau. Car entre-temps, la vie a chamboulé l'équilibre du trio : Danielle s'est séparée de son compagnon de longue date, qui n'était autre que leur producteur attitré depuis leurs débuts. Cette rupture, à la fois personnelle et professionnelle, irrigue tout l'album d'une énergie single girl summer assumée, où les trois sœurs remettent de l’ordre dans leur destin musical et sentimental.

Sans grande difficulté, elles font passer cette idée de libération en samplant George MICHAEL et son emblématique "Freedom! ’90" sur "Gone", une ouverture solide et pétillante jouée avec la fougue de l’indépendance. La production foisonnante et jubilatoire - désormais co-gérée par Danielle et Rostam Batmanglij - entremêle des percussions exaltées à l’énergie live, un orgue vibrant, un piano qui soutient l’élan dramatique du morceau, mais surtout des guitares rock qui crissent et claquent avec assurance ; la signature de HAIM, qui parvient à trouver le point culminant de la chanson grâce à un super solo incandescent.

Pourtant, cette belle dynamique s'essouffle peu à peu sur les titres suivants. "All Over Me", "Down To Be Wrong" et "Love You Right" révèlent les limites de cette formule de renouveau, avec des compositions qui peinent à maintenir l'intensité inaugurale de la première track. Si l'on retrouve bien ces harmonies caractéristiques du trio et une certaine fluidité dans l'enchaînement mélodique, ces morceaux souffrent d'arrangements plus prévisibles et d'une tension qui faiblit progressivement. "All Over Me" s’empêtre dans une mélancolie un brin répétitive, tandis que "Down To Be Wrong" et "Love You Right" nous emmènent sur des ballades introspectives et des mid-tempos pas tout à fait convaincants, donnant l'impression que les sœurs HAIM cherchent encore leurs marques dans cette nouvelle configuration créative qui semble se diluer dans une forme d'entre-deux sans réussir à trancher entre réminiscences du passé et projection pour l’avenir.

Le single "Relationships" mise sur une ambiance R&B-pop, portée par une ligne de basse souple et des synthés chaleureux, la chanson explore avec subtilité les méandres de l'intimité moderne (I think I’m in love but I can’t stand fucking relationships/How did we get ourselves into this?/Oh this can’t just be the way it is/Or is it just the shit our parents did?). Les voix de Danielle, Alana et Este s’épanouissent en jouant sur les contrastes entre couplets intimistes et refrains plus porteurs. On revient à l’essence même de HAIM sur "Take Me Back", un morceau aux accents rock où la section rythmique retrouve son punch habituel et où les trois soeurs présentent un réservoir instrumental varié - mandoline, glockenspiel et saxophone à l’appui.

J’ai été moins friande de la ballade "The Farm", du beat électro-ambient de "Million Years" et de "Spinning" mais également de la synth-pop écrasante de "Cry". A contrario, j’ai étonnament bien aimé la note mélancolique et ensoleillée de l’arrangement de "Try To Feel My Pain", centré autour des claviers qui y dessinent une sensibilité particulière. "Blood On The Street" vient compléter cette palette émotionnelle avec une approche résolument bluesy, où la steel guitar gronde doucement sur un rythme traînant, offrant à Danielle l'occasion de déployer un chant plus rauque et expressif.

L’album réserve encore quelques surprises intéressantes, à commencer par "Everybody's Trying to Figure Me Out" dont l'approche soft-rock 90’s m'a d'abord laissée dubitative. Les premiers accords évoquent effectivement cette esthétique lisse et assez consensuelle mais la montée en puissance progressive du morceau révèle ses véritables atouts. "Lucky Stars" explore quant à lui un territoire joliment shoegaze avec ses guitares fuzz et sa distorsion omniprésente qui donnent au morceau une ambiance quasi-industrielle. Enfin, "Now It's Time" clôt le disque sur une note expérimentale particulièrement réussie, s'appuyant sur un sample de U2 pour développer une atmosphère psychédélique très cool qui pousse les limites créatives du trio vers un registre sous-exploré, offrant une conclusion surprenante et ambitieuse à cet album.

Au final, I Quit fonctionne plutôt bien dans son ensemble, témoignant d'une certaine cohérence artistique malgré les bouleversements qui ont marqué sa conception. Les sœurs HAIM parviennent à mélanger avec habileté tubes dansants et chansons introspectives, offrant un éventail émotionnel satisfaisant qui reflète cette période de transition. Pourtant, on ne peut s'empêcher de ressentir un petit manque de créativité qui empêche l'album d'atteindre véritablement le haut du classement. Si les moments d'expérimentation comme "Lucky Stars" ou "Now It's Time" laissent entrevoir des possibilités fascinantes, on aimerait voir HAIM pousser cette audace sonore encore plus loin, quitte à prendre quelques risques supplémentaires.

Note réelle : 3,5