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Franz LISZT - Rhapsodies Hongroises No.13 à 19 S.244 (1846)
Par EMMA le 28 Juillet 2025          Consultée 201 fois

À mesure que s’égrènent les dernières Rhapsodies Hongroises de LISZT, quelque chose change dans la matière même de la musique. Moins démonstratives, parfois plus brèves, voire fragmentaires, elles semblent se délester du folklore des premières pièces pour plonger dans une forme plus nuancée, plus libre aussi. Le canevas du ‘lassan’ et du ‘friska’ est bousculé. Elles sont plus imprévisibles. Ces Rhapsodies tardives, portent déjà en germe le LISZT plus énigmatique et audacieux. Elles semblent plus détachées de leur forme initiale.

C’est en un balancement d’accords mystérieux que s’ouvre la "Rhapsodie Hongroise No.13". Une mélancolie grave flotte, la main droite s’élève comme un chant ancien, au phrasé long, presque vocal. On y travaille la lenteur, l’espace entre les notes. Peu ornée, peu spectaculaire, le discours avance par petites vagues. La progression harmonique, presque furtive, se pose en quelques chromatismes délicats, des modulations. Une seconde partie d’un lyrisme doux, lié par ses pluies d’octaves et sa main gauche profonde laisse finalement place à la partie finale. Le ‘friska’ surgit, saccadé. L’écriture est serrée, les accents précis, les mains s’élancent dans une virtuosité nerveuse. Tout semble guidé par l’urgence jusqu’au chaos final dans lequel la pièce se clôt.

La quatorzième Rhapsodie s’impose comme ambitieuse, presque une sonate. Un motif martelé habille l’ouverture sombre et obstiné. Le ‘lassan’ s’étire longuement, traversé d’élans pathétiques et de silences lourds. Tout est tension, retard et attente. Chaque ligne mélodique surgit et se transforme. Il faut jouer avec l’intensité autant qu’avec l’agilité. C’est presque imperceptiblement que la pièce bascule et que le ‘friska’ explose, d’apparence légère mais plus proche d’une cavalcade dramatique que de la danse. Tout en nervosité, la pièce se déploie, large, farouche, presque épique, des ornements explosent en un millier de fragments pour mieux se transformer en octaves. Le piano, ici, devient théâtre, grandiose avec la rage sublime que l’on connaît de LISZT. Une pièce sans concession, minutieusement construite, qui ne laisse aucun répit et qui emporte tout sur son passage si elle le souhaite.

La quinzième Rhapsodie est construite sur la "Marche De Rakoczi", marche patriotique hongroise. L’une des plus théâtrale, elle adopte un ton presque orchestral et fait du piano un champ de bataille héroïque. L’introduction est solennelle, les accords tombent avec poids dans un geste très dramatique. Puis s’élève la mélodie principale, au lyrisme impérieux, exposée avec une noblesse grave. Mais très vite LISZT la module, la transforme et l’embrase. La pièce devient un terrain d’expérimentation pour les contrastes : rythmes martiaux, élans furieux, phrases chantantes, explosions d’octaves, trilles incandescents, lignes tranchantes. La main gauche est puissante, la droite étincelante et les deux se croisent, s’attaquent et se complètent. Cette Rhapsodie porte en elle une forme de charge presque révolutionnaire. Un hymne incandescent où chaque note frappe le cœur autant que le clavier.

La Rhapsodie suivante s’écarte résolument du grandiose de la précédente pour se replier vers une forme plus mystérieuse en tension diffuse. L’écriture y est resserrée et contrastée. Les motifs courts se répondent et s’opposent, s’élèvent dans un balancement presque obsessionnel. Le ‘lassan’ n’a rien de dansant, il est quasi impressionniste. Lorsque le ‘friska’ se déploie, c’est tout en retenu, une forme de danse intérieure raffinée, de sauts nerveux. La virtuosité se cache dans les détails. Cette pièce est toute faite de nerfs et de finesse. Plus secrète, voire espiègle, ses humeurs sont changeantes. Elle laisse plus à la dix-septième Rhapsodie, plus courte, trois minutes à peine, mais chargée d’un poids latent, presque hypnotique. La tonalité Ré Mineur est exploitée avec gravité, comme un socle dramatique. Moins flamboyante et d’apparence simple, elle semble parler plus bas. La main gauche est stable pendant que la main droite dessine des lignes mélodiques. Lorsque le ‘lassan’ laisse place au ‘friska’ c’est pour infiltrer le discours et le déstructurer. Le jeu devient alors agile et vif, presque ironique par moment, la matière s’épaissit, les lignes s’emmêlent et c’est une nouvelle urgence qui prend le dessus, le lyrisme ne parvient pas à prendre le dessus, les notes se martèlent de plus en plus jusqu’à finir tonnantes.

C’est en douceur que s’ouvre la Rhapsodie suivante. Insaisissable, très courte aussi, sa forme est libre mais sa densité expressive et vertigineuse. La virtuosité est ici expression pure. Elle est fulgurante, tout semble fuir, faite de geste hachés, de ruptures dynamique. Son caractère improvisée la fait errer plus que s’ancrer. Elle est une énigme, courte et ardente, plus difficile à séduire. Un chant peu stable qui laisse rapidement place à la dernière Rhapsodie Hongroise.

La dix-neuvième et ultime salve de ce vaste cycle surgit dans la clarté. L’atmosphère est tendue, quasi théâtrale, les notes frappent comme des coups de canon, la main gauche assène un ostinato profond tandis que la droite érige des traits incisifs. Elle est narrative, concentrée, son écriture est redoutable et précise. Le développement se fait par variations subtiles de la rythmique et de la mélodie. Les contrastes sont tranchés, les ruptures nettes et l’élan constant. Cette Rhapsodie est implacable, brute, mais ne perd jamais sa ligne mélodique faite d’arpèges fulgurants, de notes piquées presque jubilatoires, d’octaves déchaînées, de croisements risqués. Et si cette dernière semble conclure le cycle dans une sorte d’apothéose frénétique, elle le fait avec redondance mais avec la rage et la libération digne d’un dernier souffle – celui d’un compositeur, qui, aura donné sa voix lyrique et flamboyante.

Ces dernières Rhapsodies ont quelque chose du souvenir qui s’efface. Plus libres, parfois intimes ou énigmatiques, elles se révèlent plus secrètes, plus en quête de profondeur mais parfois aussi moins sensibles ou impressionnantes voire essentielles que les autres, sans rien enlever à leur puissance car LISZT crée, ici, quelque chose de grand : dix-neuf visions d’une Hongrie rêvée par un piano démesuré. Entre la ferveur des premières, la douceur de certaines, l’épure des dernières, c’est tout un monde qui s’invente, un pont entre tradition populaire et fulgurance romantique. Si toutes ne sont pas connues, reconnues ou jouées, chacune d’elles recèle d’un fragment essentiel à cette grande fresque. LISZT ouvre un champ neuf d’expressivité, entre danse, drame et délire. Un cycle à la fois flamboyant et fragile, lyrique et brutal, noble et douloureux qui défie le silence.

Note : 3,5

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