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MUSIQUE CLASSIQUE  |  B.O FILM/SERIE

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B.O FILMS/SERIES

1990 Cyrano De Bergerac
1995 Le Hussard Sur Le Toit

Jean-claude PETIT - Le Hussard Sur Le Toit (1995)
Par MARCO STIVELL le 30 Juillet 2025          Consultée 91 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

« La musique de Jean-Claude PETIT fait beaucoup plus qu'accompagner le film, elle l'emmène ailleurs et peut-être plus haut. » (Jean-Paul Rappeneau)
Haut comme Haute-Provence. Cette diagonale du vide concerne essentiellement les parties les plus montagnardes de la plus belle région de France, le nord et l'est donc surtout, en commençant par les collines du 04, ancien département des Basses-Alpes, aujourd'hui Alpes-de-Haute-Provence. La première grande figure qu'on lui associe est celle de Jean Giono, écrivain-star qui s'est distingué des autres locaux les plus célèbres rien que par la naissance, à savoir Alphonse Daudet (né à Bezouce, dans le Gard provençal avant Nîmes), Henri Bosco (né à Avignon) et Marcel Pagnol (né à Aubagne). Giono est de Manosque, la porte sud-ouest du 04 donc de la Haute-Provence notamment quand on vient d'Avignon ou Aix-en-Provence, une ville décidément fertile en 'têtes' puisqu'elle sera également le berceau de l'excellent Pierre Magnan, mieux ancré dans le XXème siècle 'moderne'.

Et Giono a toujours défendu sa chère Haute-Provence, dès ses premiers grands romans optimistes de la trilogie dite 'de Pan' durant les années 1930 (Colline, Un de Baumugnes puis Regain, ce dernier adapté par Pagnol au cinéma avec Fernandel) ou encore au contraire lorsqu'il a viré pessimiste après la fin de la guerre en 45 (on l'avait emprisonné sur accusation d'être collabo). Depuis sa maison de Manosque, son temple d'écrivain, il a élargi sa géographie tant aimée à celle située plus au nord, le long des Ecrins et jusqu'aux coteaux du Vercors (départements Drôme/Isère, 26 et 38, région Rhône-Alpes), ce qui donne Un Roi Sans Divertissement (1947), pierre angulaire du roman noir et cynique à son tour transposé au grand écran par François Leterrier en 1963.

Encore aujourd'hui, sur les contreforts de Lure (la montagne-femelle du Ventoux vauclusien), à la bifurcation de routes vers Forcalquier ou Sisteron, dans ce joli village fait 'd'étages' et appelé Banon, célèbre-t-on Giono sur son propre modèle, par des lectures collectives en plein air, jamais loin de la librairie du Bleuet (une des plus belles de France qui lui dédie une étagère complète dans son entrée) tout en partageant un pique-nique ou une tasse de thé. Son aura est telle qu'un troisième cinéaste, bourguignon donc bien plus loin tout là-haut sur la carte et en l'an de grâce 1995 (un siècle entier pile après la naissance de l'auteur), se sent obligé de rapprocher leurs noms respectifs qui se terminent en 'o' dans le son, après l'avoir déjà fait pour celui de Cyrano.

Sans doute romantique lui-même et comme votre serviteur, Jean-Paul Rappeneau aime bien la preuve par deux. Deux films avec Catherine Deneuve, deux avec Yves Montand, deux films très Ancien Régime, deux autres plus 'temps modernes', deux sur la Seconde Guerre Mondiale (en comptant le futur)... Finalement, un seul film du XXIème siècle (en 2015, le dernier en date), sans doute pour compenser les trois participations du compositeur Michel LEGRAND entre 1966 et 1975. C'est un peu tiré par les cheveux mais cette notion de parité fonctionne chez Rappeneau mieux que quiconque dans notre beau cinoche, la preuve : deux adaptations d'ouvrage de littérature française célèbr(issim)es en 1990 et 95, à la suite, co-scénarisées par l'auteur Jean-Claude Carrière, avec la même trame d'affiches et pour les CDs de leurs bandes originales, d'ailleurs toutes deux signées par Jean-Claude PETIT !

En choisissant l'ultime roman le plus connu de Giono, Le Hussard Sur le Toit (1951), qui lui a causé un choc à l'âge de vingt ans, notre magicien Jean-Paul inscrit l'auteur dans les grandes productions à la française (apparemment la plus chère de toutes, d'ailleurs !) qui n'ont pas à rougir. Il tourne dans tous les décors somptueux possibles, naturels ou non, de la belle Provence (jusqu'aux confins des Hautes-Alpes, 05, et y compris le meilleur sans la mer : Avignon, Eyguières, le haut-Var...) suivant l'itinéraire du protagoniste d'un récit qui se déroule en 1831. Il s'agit d'Angelo Pardi, jeune colonel de hussards/cavaliers légers et aristocrate du Piémont, réfugié de l'autre côté des Alpes - le bon - pour avoir tué en duel un officier autrichien, la domination de Vienne s'étendant alors sur l'Italie septentrionale. Le fond politique est vite noyé comme tout le reste dans ce qui débarque sur la Provence comme un châtiment de Dieu : une épidémie de choléra très 'théâtralisée' par Giono.

Là-dessus, le thème principal du film en musique fait s'élever un motif féérique en nappe de cordes, poursuivi d'un allant léger à trois temps qui évoque la chevauchée solitaire d'Angelo, au demeurant insouciante (il est tout de même poursuivi depuis Aix par les mercenaires autrichiens). Au cours du morceau, la Provence lumineuse, enchanteresse se trouve vite plongée dans le drame car le choléra s'installe partout, les vagues macabres d'instruments s'entremêlent, les flûtes piccolos surnagent. Jean-Claude PETIT inaugure avec brio ce qui s'avère être la toute première BO enregistrée par l'Orchestre National de France dont il ne dira que du bien. Angelo - qui demeurera miraculeusement rescapé tout du long - est joué par Olivier Martinez (qui a commencé dans IP5 de Jean-Jacques Beineix en 1992, dernier film d'Yves Montand, mort en plein tournage !).

Chemin faisant, pour fuir les ennemis humains ou pire, microscopiques, il voit des gens s'écrouler comme des mouches et des soldats surveillant/barrant les routes, croise un jeune docteur (François Cluzet) qui s'active pour sauver qui il peut et lui transmet sa méthode de soins rapides, juste avant de se trouver lui-même terrassé de façon foudroyante par la maladie. Ainsi, la noirceur sur une terre couleur craie, sous un ciel azur et un soleil de plomb. Ainsi, un piano rythmé ternaire en accords versés comme de la crème, un grand sentiment roulant de vie-liberté, interrompu par un nuage de cuivres inquiétants comme le danger à l'horizon ("Le Voyage d'Angelo") qui éclate en danse macabre. Idem pour "Le Médecin Français", ballade dramatique et émouvante qui se conclue en marche sombre avec la timbale sourde, allégorie de condamnation, de fin de pulsation (cardiaque).

Tout est déjà si grandiose, beau et déchirant à la fois. Angelo va aider des enfants orphelins à survivre – avec une première quarantaine au passage – et les ramener dans leur demeure où restent des serviteurs de la famille (dont Isabelle Carré en gouvernante), mais pas pour longtemps. Monté vers Banon (on en parlait plus haut), il redescend jusqu'à Manosque, et là, c'est le drame. Traversant des rues désertes et alors qu'il se penche pour boire à une fontaine, la peur générale et la xénophobie lui valent d'être jugé en direct comme le responsable de cette eau qui rendrait tout le monde malade. Après un "Roland furieux" éblouissant de beauté avec son piano comme étourdi, installant un motif orchestral de notes longues et piquées, "L'empoisonneur" voit les cuivres affluer lentement de tous les côtés (comme ceux qui pointent Angelo du doigt, le menacent) et PETIT nous balance son autre procédé superbe pour cette BO de montées en broderies.

Quand le hussard se croit à l'abri, il croise Gérard Depardieu (fallait bien, la preuve par deux !) pour un rôle de gentil commissaire, puis, fuite obligeant, il émerge sur les toits qui vont l'abriter un moment. C'est là toute la poésie de Giono, son gentil militaire, cavalier solitaire, en exil sur les toits de Manosque (qu'on voit dans le film, mais pour ces prises-là, c'est Cucuron en Vaucluse), avec un chat et des pigeons pour seuls compagnons ! Et voici le coeur de l'histoire sous toutes ses formes puisque, un soir d'orage, il entre par mégarde chez Pauline, jeune femme seule qui, d'abord surprise, l'invite dignement. Pauline, donc Juliette Binoche, éblouissante de beauté fine, simple et 'historique', en qui Rappeneau voyait à juste titre tout l'aspect romantique du personnage. L'écho provençal à Roxane de Cyrano/Depardieu, avec tout autant de galanterie mais un meilleur discernement. Angelo, qui n'avait que sa mère pour tout amour réel et même épistolaire, ne peut que succomber. Pauline est discrète, fidèle à son mari (parti loin, dont Angelo apprendra l'existence à ses dépens), mais valeureuse y compris à cheval et dans l'action. Or, ils se perdent vite de vue...

Sur "L'exode", première citation du thème principal, les cordes en grande vague s'accrochent à l'espoir. De même, "La Lettre du Hussard", merveilleuse, offre un balancement de contrebasses jazzy et un maelström final délicieux. Tant et tant d'idées plus ou moins courtes, pour nous régaler ! Le début à Aix en fête (bien que vue ailleurs elle aussi) est tourné à la rue des Teinturiers dite 'des roues', à Avignon. De cela jusqu'aux souvenirs du Piémont par courrier ému, s'immiscent de nombreux éléments folkloriques, à commencer par le chant en vieux dialecte, mixte, entre timbres lyriques et paroles révolutionnaires. Que dire alors de cette suite du Bal moitié ROSSINI, moitié profane-terroir, faisant s'enchaîner la fanfare du "Galop", la gigue de "La Ronde", la valse où ressort le galoubet-tambourin comme il se doit; le coquin-léger et bien nommé "Quadrille", pour finir en tuba et cordes pour la "Valse du Hussard". Vraiment, c'est du petit lait.

Quand Angelo pense se retrouver seul (les méchants Autrichiens ont été pris en ville et tués à sa place) au milieu du retranchement de population manosquine dans les collines alentour, le hasard lui fait retrouver Pauline, qu'il est loin de laisser insensible, en retour. Ils fuient ensemble à cheval, le long du cours inverse de la Durance, passant les barrages militaires vigoureusement ("C'est Bien Mon Colonel ?", très grande composition galante, nocturne, gracieuse avec des flûtes toutes trouvées pour le sourire de Juliette Binoche) et gagnent le nord, vers Gap. Au grand dam d'Angelo, Pauline veut retrouver son riche mari, ce qui amène moult et diverses péripéties : seconde quarantaine (tournée à Briançon), rencontre d'un colporteur louche au franc-parler amusant (ç'aurait pu être Montand, mais Jean Yanne fait aussi bien !), de la belle-famille de Pauline, lâche et pourtant menée par un Pierre Arditi grand seigneur mais moins séduisant qu'Angelo/Olivier Martinez. Une musique de chambre décrivant des "Passions Bourgeoises", hautbois en tête, est toute trouvée.

Finalement, le duo si superbe d'aventuriers parvient au somptueux manoir mais désert qui regarde les sommets alpins. La nuit, les deux galants se rapprochent mais subitement, le choléra tente une dernière approche subite et "Pauline Se Meurt". Plutôt qu'une grande musique excessive, PETIT choisit des tâtonnements tour à tour froids et inquiets alors qu'Angelo s'affole et s'active, avant de laisser gagner, à juste titre, la tendresse majestueuse et la chaleur du feu. L'amour sincère arrive en force, mais il faut se séparer. Angelo retourne en Piémont, Pauline retrouve son mari (Paul Freeman, professeur Belloq dans le premier Indiana Jones !). Toutefois, elle n'est pas heureuse ; sa "Lettre" garde des traces du Bal qui s'est enchaîné jusqu'alors et l'on se dit que cette BO a une capacité de contrastes-transitions époustouflante. Tout à l'image du roman incertain et initiatique (avec un retravail nécessaire de Rappeneau et Carrière), où l'homme est face à lui-même et (encore plus) à la nature belle mais impitoyable, selon les habitudes littéraires de Giono.

PETIT s'est beaucoup inspiré de musique romantique en vogue du XIXème siècle première moitié et notamment de BRAHMS dont il cite volontiers cet "Intermezzo n°6" au piano solo. Pauline s'écarte des mondanités, n'attend que des nouvelles d'Angelo, par lettre et son voeu se réalise ; le mari comprend. Et nous on s'émeut, grandement. Après une dernière lecture de lettre face aux cimes enneigées, le générique fin impose une nouvelle fois le thème principal (cité raisonnablement sur toute la BO), empile les dynamiques d'instruments sans que l'on ressente autre chose que du bonheur. Et que dire de cette tierce picarde (le mode mélodique mineur devient majeur sur l'ultime accord fuyant) pour conclusion ? Si ce n'est pas un chef d'oeuvre (suspension un peu brusque de certains thèmes), ça y ressemble. PETIT et Rappeneau ont travaillé de sorte à ce que la musique personnifie le film et y sont arrivés. Contrairement à Cyrano, Le Hussard Sur le Toit n'empoche pas les nombreuses récompenses qu'il aurait dû (il y avait pourtant loin avant que choléra devienne corona). En revanche, il est tout aussi puissant.

Note réelle : 4,5

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   MARCO STIVELL

 
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- Jean-claude Petit (compositions, orchestrations)


1. Le Hussard Sur Le Toit
2. Le Voyage D'angelo
3. Le Médecin Français
4. Roland Furieux
5. L'empoisonneur
6. L'exode
7. La Lettre Du Hussard
8. Le Chant Du Piémont
9. Mort De Maggionari
10. Le Corbeau
11. Les Passions Bourgeoises
12. C'est Bien Mon Colonel ?
13. Pauline Se Meurt
14. Le Bal - Galop
15. Le Bal - La Ronde
16. Le Bal - Valse Provençale
17. Le Bal - Quadrille
18. Le Bal - Valse Du Hussard
19. La Lettre De Pauline
20. Intermezzo N°6 De Brahms
21. Générique Fin



             



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