Ceci est la chronique d’un EP fictif constitué de trois compositions parues séparément en single. Pour des raisons pratiques, trois chroniques distinctes auraient nécessité de délayer excessivement les mots.

Après-midi du premier juillet 2025. J’apprends l’existence de trois nouvelles compositions de Stéphane ZADRI publiées à la fin du mois de mai dernier. Je suis sur le cul, comme si KRAFTWERK annonçait la sortie imminente d’un tout nouvel album. Le co-créateur d’Erebus (1982) avec Julien MO, l’une des œuvres phares de la musique électronique française des années 1980, est de retour. Vingt-trois minutes de musique nouvelle, de quoi faire un EP ou remplir une face de 33-tours. Sans plus attendre, je vais sur YouTube (ou plutôt Invidious, une solution front-end pour contourner l’une des interfaces les plus atroces de l’histoire du Net) et j’écoute le morceau "Dim Dom". Un morceau très électro, mais dont le thème principal ne trompe pas : il y a l’âme d’Erebus. Puis viennent deux autres morceaux, qui apportent des choses différentes.

"Dim Dom" pose des accords simples sur une rythmique presque techno. Ce n’est clairement plus progressif, ce morceau mise avant tout sur le rythme et son aspect hypnotique. C’est pourtant rondement mené: un rythme simple mais efficace, des accords bien placés, des samples de la voix de… VANGELIS! Souvenez-vous de son chantonnement hésitant sur son morceau "Ballad" (1977)? Eh bien, on y est. Vers la fin, un pont aux percussions. Et surtout, un thème monstrueusement efficace. Placé au début et à la fin, avec une mélodie et des harmonies purement zadriesques, c’est l’un de ces thèmes qui attrapent l’auditeur sans prévenir et ne le lâchent plus. C’est simple, les trois premiers jours, j’ai dû l’écouter une trentaine de fois. À mon avis, nous ne sommes pas si loin du style Breakcore, avec ce côté très percutant, right-in-your-face, du thème principal.

La production des deux autres morceaux est du même tonneau, mais musicalement, "Heat & Fire" est à l’opposé de "Dim Dom", c’est un thème très évolutif, dans la veine de "Lona" (1982), et en faisant abstraction des sonorités modernes, on a vraiment l’impression d’écouter un inédit d’époque. Dans la structure, le style et la construction mélodiques, malgré l’absence de batterie acoustique, "Heat & Fire" ramène directement au premier album, et tout se passe alors le plus fluidement du monde, comme dans un rêve. À défaut de batterie, un solo de violon intervient vers la fin du morceau.

"49ers Samba" est un compromis entre ces deux approches. Le rythme est très électro, les samples de chant soul intriguent, mais on retrouve une belle sophistication musicale. Il m’est difficile de ne pas faire le parallèle avec "Sliced Interstella" (2025) de SHIRUBA: rythmique chaloupée, thème élaboré avec un son de piano, échantillons de voix, harmonie chatoyante. Pour ce morceau comme pour "Heat & Fire", les rythmiques modernes ne dépareillent pas avec les thèmes musicaux et l’ensemble est bien rafraîchissant.

Un come-back qui mérite l’attention. Ces trois nouvelles compositions ne sont pas tout à fait un Erebus-bis, mais ce n’est pas plus mal. Un retour à l’aune du son électronique actuel, comme a pu l’être celui, une douzaine d’années auparavant et dans un autre registre, de Claude Cuvelier sous le nom MAR-VISTA. Vivement la suite!