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- Style : Silver Apples
- Style + Membre : David Vorhaus , Derbyshire / Hodgson

WHITE NOISE - Concerto For Synthesizer (1975)
Par NANAR le 24 Mai 2023          Consultée 739 fois

Après un Electric Storm (1969) fracassant, on aurait pu s’attendre à ce que Delia Derbishyre, Brian Hodgson et David Vorhaus embrayent rapidement sur un nouveau projet commun. Ce ne sera hélas jamais le cas, Brian Hodgson et Delia Derbyshire ayant, assez rapidement après cet album, cessé leur collaboration avec David VORHAUS, ayant notamment continué à travailler pour la BBC, avec à la clé l’album Electrosonic (KPM, 1972) avec Don Harper. De son côté, David Vorhaus n’a guère été beaucoup plus actif, ayant livré deux courts morceaux pour un album de démonstration du synthétiseur EMS VCS3 en 1971, participé à l’album Linguistic Leprosy (1974) de June Cramer aka Lady June, ainsi qu’à la bande originale du film de science-fiction Phase IV (1974).
Il faudra attendre 1975 avant de voir David Vorhaus revenir avec un nouvel album complet… sous le nom WHITE NOISE. Il s’est ainsi produit sous le nom d’un groupe dissolu, porté par le relatif succès d’An Electric Storm – selon ses propres dires, WHITE NOISE avait fait l’objet de trente mille précommandes pour un second album.

Ce Concerto Pour Synthétiseur n’usurpe pas son titre, étant conçu comme un concerto classique à l’italienne: thème rapide, thème lent, thème rapide. Les concertos à la française sont à l’inverse organisés en trois mouvements lent, rapide, lent. Le concerto repose d’une part sur le dialogue entre le soliste et l’orchestre, d’autre part sur la construction interne de chaque mouvement, chacun contenant un thème principal, des développements et des réexpositions. Ici, la partition solo et l’orchestre sont exécutées par un même instrument: le synthétiseur.
L’album a été enregistré en majorité avec le Kaléïdophone, un instrument conçu par David VORHAUS lui-même, consistant en deux EMS VCS3 contrôlés, à la place de l’habituel clavier – le VCS3 étant par défaut dépourvu de clavier – par un manche inspiré de la contrebasse, donc sans fret. Quatre longues bandes étroites en nylon permettent de faire des glissandi, et plusieurs interrupteurs au dos du manche font varier les sons, l’un modifiant le filtre, l’autre nivelant la hauteur des sons comme avec les frets d’une basse électrique. Plusieurs parties improvisées au milieu du Mouvement I et à la fin du Mouvement II témoignent des capacités du Kaléïdophone.
Quelques éléments acoustiques subsistent toutefois, de temps à autre. Au début du Mouvement I, on trouve quelques lignes de piano ainsi que des interjections d’orchestre pré-enregistrés sur bande. Le début du mouvement III est quant à lui sous-tendu par une batterie.

Le thème introductif du Mouvement I est assurément le plus connu – toutes proportions gardées. Il s’agit d’un développement du «Canon», l’un des deux morceaux de David Vorhaus sur l’album de démonstration de l’EMS VCS3 paru quatre ans plus tôt – l’autre étant «Thing For Two VCS3s», plutôt anecdotique, un genre de démo du Kaléïdophone. Ce «Canon» très court (30 secondes, mais le fade-out laisse comprendre qu’il s’agit d’un extrait d’une composition plus longue) a été réutilisé par l’Italien Franco BATTIATO sur son album-concept Fetus (1972). Le morceau-titre ainsi qu’«Energia» contiennent un extrait du «Canon» passé en boucle avec d’autres pistes sonores. Quant à savoir si David VORHAUS a donné son aval pour ce repiquage…
Toujours est-il que ce thème et ses développements sont un sommet de beauté macabre, et me font dire que cet album n’est pas complètement déconnecté de son prédécesseur. Après le basculement dans la folie de «Black Mass: An Electric Storm In Hell», il reste un monde obscur, abstrait. Toujours est-il qu’on se réveille au beau milieu d’un rêve sous sédatif, seul, absolument seul dans un froid mordant, et que suivre ces créatures qui courent en file indienne nous perdrait sans doute davantage encore. Mais bientôt, ce sont les créatures qui, telles une colonie de fourmis géantes, dans leur folie frénétique, nous entraînent de gré ou de force… droit dans le mur.
La musique se reconstruit ensuite peu à peu, vers une nouvelle occurrence du thème initial, encore plus poignante. Là, ça ne déconne plus, à plat ventre nous regardons en contre-plongée la Reine des Fourmis et toute sa clique dans leur tanière. Ensuite, nous serions bien en peine de dire ce qui nous arrive… Les fourmis nous tirent les vers du nez sans qu’on ne sache quoi leur répondre, leur langage étant totalement inconnu, la moindre réaction pourrait être interprété aussi bien comme un acte d’allégeance que comme une insulte. Trop tard, sans qu’on aie le temps de lever le petit doigt, nous sommes emportés dans les tréfonds de leur colonie labyrinthique.

Il a dû s’en passer des choses depuis, car ces marécages et cette brume épaisse n’ont pas grand-chose à voir avec les galeries de fourmis. Rien qu’une mélodie sinueuse qui, dans ses échos infinis, nous entraîne lentement sur une rivière, sans qu’on aie la force d’essayer de comprendre quoi que ce soit. Autour de nous, des bruits s’élèvent, comme si la nature s’éveillait.
À cheval sur les deux faces de l’album, le Mouvement II est le plus lent et atonal de l’album. À plusieurs reprises, David VORHAUS laisse tourner des notes dans un écho infini et s’y fondre en un amas indistinct, avec deux chambres d’écho bouclées ensemble, à la manière des Frippertronics. Ce mouvement contient également une bonne part d’aléatoire; tout dérape complètement vers la neuvième minute, le Kaléïdophone s’emporte dans une improvisation tachycardique, l’effet Doppler sur les babillages environnants nous fait comprendre que le radeau, entraîné par le courant, nous envoie droit vers les rapides.
Ensuite, la musique se recontruit à nouveau. Ou bien agonise-t-elle après la violence de la chute…

Le début du Mouvement III est longtemps resté le seul passage de l’album que je daignais écouter, sans doute dans une peur de m’ennuyer comme un rat mort sur le reste de l’album – ce qui était, bien sûr, une erreur. Le thème déboule sans prévenir, la batterie donne un coup de pied dans la fourmilière. Les développements sont tout aussi versatiles, mais au moins savons-nous à peu près à quoi nous attendre. Bien que David VORHAUS malmène toujours autant les tempi et les timbres, ici point d’improvisation bordélique, mais plutôt une longue suite mélodique, nous cherchons dans l’urgence le coup de fouet, la clé de l’énigme pour sortir de ce rêve abscons, sous peine de dépérir à jamais dans les limbes. Entre progressions et instants de doute, l’avenir est plus qu’incertain mais nous retrouvons nos moyens.
Aux dernières étapes, l’adrénaline est à son comble, le coup de fouet arrive… La conclusion en mode majeur apparaît comme une fin heureuse, le réveil du dormeur après ce grand sommeil noir sous stupéfiants.

Cet album est aujourd’hui assez difficile à trouver ailleurs que sur Internet, édité par Virgin (numéro de catalogue V 2032) mais n’ayant été réédité qu’à une seule reprise en 1997, en une édition CD qui se contente du minimum vital – les mecs de Virgin n’ont pas été fichus de raccorder les deux parties du mouvement II?! David VORHAUS lui-même renie cet album, le considérant comme obsolète du fait de son caractère artisanal et des limites techniques du VCS3.

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- David Vorhaus (tout)


- Concerto For Synthesizer
1. Movement I
2. Movement Ii
3. Movement Ii (continued)
4. Movement Iii



             



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