Peut-être les artistes français ont-il moins de charisme, moins de talent, moins d’inspiration que leurs ainés tout simplement, toujours est-il que je me demande bien ce que nous retiendrons de ces artistes apparus depuis le début des années 2000 sur la scène française. Les Cali, Raphäel, Da Silva font actuellement fureur, mais qu’en sera-t-il dans dix, vingt ans ? Car si j’ose espérer que les Le Forestier, Souchon, Cabrel seront encore considérés comme des artistes majeurs de notre monde post-moderne, j’ai bien du mal à envisager que ces artistes "nouvelle scène" soient considérés comme des incontournables du paysage musical francophone dans quelques décennies.

GREGOIRE rentre parfaitement dans le moule de cette "nouvelle scène". Certes, le fait que ce dernier ait été le premier artiste dont les frais de studios et de production d’albums aient été entièrement financés par les internautes (350 au total) par le biais du site My Major Company attire une certaine sympathie, comme un pied de nez à ces maisons de disques gargantuesques se faisant de faramineuses marges, une petite victoire d’un David sympathique contre le méchant Goliath. Et puis après tout, la musique proposée par ce jeune artiste est plutôt mignonette et sympathique. Se fondant parfaitement dans la mouvance folk-pop actuelle, Toi Et Moi ne fait que reprendre une recette qui a fait ses preuves : chansons essentiellement basées sur la guitare acoustique mais laissant également un large espace d’expression au piano, souvent larmoyant, qui s’exprime tout au long de ballades sentimentalo-sentimentales. Ajoutons à cela quelques passages symphoniques et l’ajout d’instruments un peu plus originaux (banjo...), et voilà, l’album d’un nouveau prodige musical est dans les bacs !

C’est là qu’entrent en piste les radios, qui prennent un malin plaisir à marteler à longueur de journée le morceau le plus facile de l’album, le plus entêtant, le plus vendeur. Toi + moi, 3 accords inlassablement répétés, pour un morceau à l’intérêt limité (GREGOIRE le reconnaissant lui-même dans les paroles : « Ma chanson est naïve, même un peu bête », c’est déjà bien de l’avouer) qui parviennent presque à nous dégoûter à l’avance d’un album que l’on n'a pas encore écouté, alors que ce dernier propose pourtant quelques mélodies agréables. Rien à voir, que n’aurait pas renié un STEPHAN EICHER, parvient à faire mouche malgré un côté verbeux superflu. On pense également à JJ GOLDMAN à l’écoute de la ballade Merci, dont les similitudes avec Les Murailles (album En passant) sont plutôt troublantes. Et puis comment résister à ces mélodies faciles mais charmeuses, à ces refrains instantanés que GREGOIRE nous offre sur Ta main, Nuages, ou encore sur Rue des étoiles, dont les paroles fleur bleue parviennent à attirer notre sympathie. Mais c’est bien le morceau Prière qui récolte tous les suffrages. Mélodie mélancolique enchanteresse, paroles humanistes (politiquement correctes) sur lesquelles GREGOIRE pose une voix medium un peu écorchée à l’émotion parfaitement jaugée. La grande réussite de cet opus.

Le seul faux pas de ce Toi Et Moi est finalement ce bonus track, reprise de A la claire fontaine, odieusement massacrée. Si l’on excepte ce sacrilège, GREGOIRE propose avec Toi Et Moi un album agréable ne s’écartant pas d'un chouïa de ce qui semble être la norme actuelle dans la chanson française. Un folk pop immédiat, bien construit, agréable sur le moment, mais dont les effets s’estompent aussitôt l’album terminé. Avec un peu plus de conviction et d’audace, GREGOIRE pourrait, s’il s’en donne la peine, venir marquer les esprits avec un album plus convaincant. Toujours est-il que Toi et Moi mérite que l’on y jette une oreille, une seulement, l’autre étant probablement occupée par le téléphone portable. Espérons que le jeune chanteur parviendra à s’extirper de la catégorie des artistes jetables pour rejoindre celle des artistes qui durent.