Vous parlez d’une discographie morbide ? Celle de COCHRAN est des plus appropriées ! En 1962, la jeune star du Rock'n'roll est décédée depuis deux ans déjà, mais son statut d'icône est plus vivace que jamais et les boss de Liberty ne sont pas des philanthropes : ils vont exploiter le filon jusqu'à la lie. Il ne s’agit pas de bandes à la LED ZEP ou BEATLES redécouvertes après la mort du maître ou la séparation du groupe. Toutes ses chansons sont l’œuvre du grand Eddie COCHRAN, mais n’ont connu qu’une éphémère existence en 45T et quelques apparitions au top 50 de leur temps. Disons le simplement, ceci est une compilation, pas un véritable album, mais tel est le prix à payer pour avoir une vision juste de l’œuvre d’un pionnier du Rock.

Alors cela part un peu dans tous les sens : après un Mémorial album d’une exquise qualité, ce Cherished memories – décidément, on reste dans les mémoires – recèle des trésors d’ingéniosité, des morceaux de bravoure, des slows dramatiques, et toujours cette voix grave, chaude et sensuelle. Tout cela est bien bon, mais dieu que c’est hétéroclite ! Il y en a pour tous les goûts ! Le morceau d’ouverture, l’éponyme "Cherished Memories", est un tantinet martial, comme issu d’une B.O. de film de guerre de l’époque, agréable cependant. Le skeud comporte aussi son quota de classiques rock’n’roll : "Skinny jim" est la plus violente composition jamais écrite par Eddie, agressive de bout en bout, le chanteur y pousse sa voix jusqu'à la rendre méconnaissable. Un traitement de choc qui ne lui vaudra pas la postérité méritée… "Nervous breakdown" est amusante, car Eddie y donne réellement l'illusion d'être au bord de la crise de nerfs ; un rock musclé, et un nouveau riff sous amphétamines. "Let’s get together" est la première version de 'C'mon everybody', moins enlevée et délibérément agressive.

"Dark lonely street" est Le slow de l'album : une guitare caverneuse, un son à la fois clair et rugueux, et la voix de Cochran qui s'élève avec émotion. Cette chanson, comme toutes les meilleures est basée sur des accords d'une simplicité désarmante, une reverb’ intense ; les notes s'égrènent et nous traversons cette « rue sombre et solitaire » en compagnie d'une icône du Rock. "Think of me" est tristounette : les harmonies féminines nous emportent bien loin du plancher des vaches pour une chanson que l'on pourrait qualifier de céleste, alors que "Never" renoue avec les charmes de son premier succès : "Sittin in the balcony". Il y a aussi l'ovni "I've waited so long", très éloigné des canons rock'n'roll de l'époque, qui présente un artiste prêt à s'adapter à tous les styles de musique avec efficacité. Eddie y croone avec nonchalance une comptine d'amour... COCHRAN, champion du monde des slows ! "Sweetie pie" est dans la même veine que "Completely Sweet" du précédent album, un rock typiquement Cochranien, à la rythmique de guitare exacerbée, et toujours cette voix "brute", très male.

Le jeune blondinet était béni des dieux, sa voix savait se faire cristalline pour les slows, rugueuse et agressive pour les rocks, jamais vulgaire, toujours sophistiquée : le must de l'époque. Eddie chantait ses propres chansons, comme son camarade Gene VINCENT, mais il avait infiniment plus de talent que ce dernier. Il était un grand musicien, un innovateur de génie, l'inventeur du Riff et un arrangeur hors pair. Une étoile filante du rock, et une carrière qui ne dura que 5 ans…