Ma découverte avec CURVE est née accompagnée d’une véritable désillusion. Nous avons ici le plus bel exemple d’un groupe qui s’est fait piqué son trône par une bande d’imposteurs qui n’a jamais avoué à quel point ils avaient tout repiqué à la formation anglaise. Une désillusion d’autant plus difficile à avaler qu’elle concerne un groupe qui a bercé toute mon adolescence : GARBAGE. En découvrant CURVE, j’ai compris à quel point GARBAGE avait tout pompé chez eux : chant, arrangements, mélange rock/électro, rythmiques… il semblerait que tout était bon à prendre. Sauf que GARBAGE a rajouté un côté Pop qui l’a rendu toujours plus accessible que son pygmalion inavoué. On peut aussi penser que la célébrité de Butch Vig aura largement contribué à les faire sortir rapidement de la zone « underground ».

CURVE, quant à lui, subira de plein fouet le syndrome « cul entre deux chaises ». Pas assez rock, trop électro, trop underground ou trop dark, la formation souffrira clairement d’un manque de considération dû à leur désir de ne jamais faire de compromissions. Les anglais n’édulcoreront jamais leur musique à l’inverse de GARBAGE. Pourtant le duo que forme CURVE (Toni Halliday au chant et Dean Garcia pour la basse/programmation) est un parfait représentant de l’ère du Rock Alternatif des 90’s. A la fois puissant et envoûtant, il garde les aspects sexys et caractériels qui distinguent ces groupes de Rock féminins des années 90. Doppelgänger, leur meilleur album, peut être considéré comme un pont entre le shoegaze, l’électro et un Rock plus sauvage : les rythmiques sont puissantes, les guitares denses, les samples nombreux, la basse présente et la voix grave de l’hypnotique brune Toni est particulièrement envoûtante… néanmoins le rendu reste très éthéré du fait des touches shoegaze/électro qui sont apportées tout au long de l’album.

Tout ce mélange donne une pâte de lave en fusion bouillonnante. Les tubes s’enchaînent avec une facilité déconcertante sans perdre une once d’accroche malgré la densité du mix. Entre pulsations ronflantes, guitares brouillées et triturages électro, la formation nous concocte de véritables mélodies entêtantes, parfaitement rehaussées par la voix sensuelle de Toni. Le tout est compact mais étonnamment texturé grâce aux couches shoegaze qui le parsème. Doppelgänger est d’ailleurs leur album qui fait clairement le plus le lien avec le shoegaze, les autres appuyant plus soit sur le côté électro, soit sur le côté rock. Il serait difficile d’extraire un titre plus qu’un autre tant l’homogénéité est de mise. « Already Yours », « Horror Head » et la ballade shoegazienne « Sandpit », seul titre lent et sans rythmique de l’album, tiennent le haut du panier tandis que « Splint Into Fractions » ou « Think and Act » accrochent moins du fait d’un effet redite.

Doppelgänger est foisonnant, riche, et animé d’une énergie ardente particulièrement contagieuse qui nous emporte directement dans ce déluge de décibels vénéneux. L’ambiance est sur le fil du rasoir, à mi-chemin entre l’amertume, la colère et la mélancolie. Oh tiens, ça rappelle encore GARBAGE et sa chanteuse Shirley Manson. Cependant, je ne vais pas pester plus longtemps contre GARBAGE, mais rendons à César ce qui est à César. Doppelgänger fait partie de ces perles des années 90 oubliées qu’il faut réhabiliter à leur place. C’est pour cela, sans considérer les uns ou deux titres plus faiblards, qu'il a largement mérité la note maximale.