Tête à baffes, voix à chier, écriture facile, comment ne pas détester Benjamin BIOLAY au départ ?

Le chanteur (huh ?) un peu révélé par son premier album Rose Kennedy et beaucoup révélé par sa participation au Jardin D’hiver de Henri Salvador, offre au monde un double album déséquilibré (14 + 7) intitulé Négatif. A l’époque, Virgin soutient à fond son poulain. Les temps changeront mais c’est une autre histoire, car pour l’instant, l’avenir est rose (Kennedy…) bien que le lyonnais soit « Négatif ». Biolay joue avec ce mot en séparant distinctement le CD I et le II dans le livret : les paroles et crédits du CD II sont reliés à l’envers, comme la jaquette proposant une variation noir et blanc de la pochette officielle sépia. Une sorte de négatif, quoi… Mais la malice s’arrête là, car à l’écoute du CD II, on se rend compte que le concept bicéphale s’arrête là. Rien ne permet de dire que les sept chansons sont de quelque manière que ce soit le négatif des quatorze premières. Il s’agit juste d’une « vulgaire » suite du CD I, avec le retour de Billy Bob (« Holland Spring », « Billy Bob a toujours raison »).

Le melting pot auquel on a droit est conséquent autant qu’ambitieux. BIOLAY est impressionnant de polyvalence. La liste d’instruments utilisés est gargantuesque : instruments folk, country, piano, claviers en tout genre, samples, et bien sûr, ses copines les cordes, chéries sur le tremblant « Dans Mes Nuits Blanches », le frais « Les Insulaires », ou encore la chanson titre. Ces cordes sont amalgamées avec maestria dans « Glory Hole » (sans commentaires), chanson qui résume à elle seule le disque et ce que peut faire de mieux le compositeur. Folk ciselée, électro bien dosée, grandiloquence pudique, et enfin, la beauté par le mal, le sale, même si l’on atteint pas encore les cimes de cradingue de A l’Origine et Trash Yéyé... Probablement grâce à la présence de la madame Biolay de l’époque, j’ai nommé Chiara MASTROIANNNi (Ah Chiara…), qui chante quand même sur cinq titres, plus dans le style d’une Keren ANN que d’une CALLAS, vous vous en doutez. Le couple forme ainsi au chant un duo très homogène, car Benjamin est à l’époque encore peu confiant concernant sa voix, ce qui explique ses sonorités sourdes et le mixage légèrement en retrait de son organe.

Bref voici de la vraie et grande chanson française, qui sait regarder en avant sans tourner le dos aux racines. Un peu à la manière d’un Jean-Louis MURAT mélangeant les deux cultures, Benjamin BIOLAY est aussi fortement influencé par l’Amérique et ses mythes, comme le démontre les thèmes de « Bain de sang » ou le personnage de Billy Bob : voyous, flingues, caisses. Rappelons que le premier album (rose Kennedy) était consacré à une américaine…

Même les mauvais esprits qui taxent BIOLAY de mou du genou fermeront le clapet à l’écoute de l’electro pop « Une Chaise A Tokyo », avec en guest star la soeurette Coralie CLEMENT. Ne cachons pas que ces mêmes grincheux auront quand même de quoi largement ouvrir la boîte à camembert avec la majeure partie du recueil, surtout sur les titres les plus folks (« Billy Bob A Raison », « Dernier Souper Au Château », « Je ne T’ai Pas Aimé », « La Dérive Des Continents », etc.) Il est évident que ce double ne fera pas remuer les popotins en soirée, mais il n’en a jamais eu l’intention ! Mais c’est à chaque écoute un réel plaisir, dès les premiers accords, que de se lover dans ce doux cocon. Le lyonnais fait dans la mélancolie, que cela soit clair, ce qui ne rime pas avec ennui et platitude.

Ni avec Renan LUCE en conséquence.