Tout a commencé par un accouplement étrange entre Warp et Ed Banger. La légende de l’expérimental qui s’acoquine avec le nouvel étendard des boîtes branchées, tout un programme. Pas si bête remarque. Les premiers succès warpiens se sont basés sur les musiques rave de l’époque, l’acid-house notamment, alors pourquoi ne pas faire le même coup en 2010 ? Bref, en attendant le miracle, cette curieuse association aura au moins produit une collaboration entre deux producteurs que j’affectionne, SQUAREPUSHER et Mr. OIZO, à l’occasion de l’EP Cryptic Motion.

Et là vous vous dites : « Quel rapport avec la pâte à crêpes ? » Minute. J’ai oublié de raconter l’histoire de SHOBALEADER ONE (je n’ai jamais été adepte des récits à tiroirs). Tout commence avec Just Souvenir, le dernier album de SQUAREPUSHER. La chose était accompagnée d’une nouvelle écrite par Tom JENKINSON, où un groupe de rock venu de l’espace faisait cracher les enceintes. En lisant ça, une formation de jeunes musiciens aurait eu l’idée lumineuse de contacter l’ami SQUAREPUSHER et de lui proposer de donner corps à ce groupe de fiction : ainsi naquit SHOBALEADER ONE. Le groupe est composé de Tom JENKINSON au chant et à la basse, et de quatre musiciens complètement inconnus aux claviers, aux guitares et à la batterie. Là-dessus, le patron d’Ed Banger contacte Warp et propose la combine suivante : Mr. OIZO remixe un titre de SHOBALEADER ONE, « Cryptic Motion », pour sortir un EP en commun.

Le remix n’est pas présent sur l’album sorti à la fin de l’année, dommage, dans le genre électro-house, c’était plutôt bien foutu. En réalité d’Demonstrator se contente de récupérer les sonorités de Just a Souvenir et d’y imprimer une marque vaguement rock. C’était bien la peine de faire tout ce pataquès. Contrairement à ce qu’on pouvait craindre, les compositions sont plutôt bonnes. SHOBALEADER ONE fait le choix d’une alternance plutôt classique entre riffs nerveux et mélodies rêveuses. On se surprend même à bouger une fesse sur « Megazine » et sa grosse distorsion, ou sur « Maximum Planck », qui emprunte sa structure au métal.

Le gros, l’énorme problème de d’Demonstrator, c’est le vocodeur. Je crois qu’on n’a jamais autant saboté un album au vocodeur dans l’histoire de l’électro, et pourtant, les exemples sont légions. Une voix outrageusement modifiée se superpose sur la majorité des titres, et c’est clairement insupportable. Les bons morceaux deviennent médiocres ; les mauvais deviennent ridicules.

Outre quelques trouvailles mélodiques, ce qui sauve d’Demonstrator, ce sont certains passages à la basse et à la guitare qui surnagent dans la débauche d’effets synthétiques. Les intros à la basse de SQUAREPUSHER sont souvent excellentes (« Endless Night », « Cryptic Motion »), et le dénommé ARG NUTION (à moins que ce ne soit STEN T’MECH) se paye quelques solos pas vilains (« Cryptic Motion » toujours). On se contente de peu…

D’Demonstrator, c’est moyen sans être complètement mauvais, donc un peu triste pour du SQUAREPUSHER. En espérant qu’il ne s’attarde pas sur ce projet de groupe de rock conceptuel, ou on risque de toucher le fond. Décidément, 2010, c’est un peu le crépuscule des idoles.