« Aimez-moi les uns les autres ». C'est en substance ce que semble vouloir nous dire Eddie VEDDER avec ce nouvel album solo. Un besoin d'amour, alors que le bonhomme traverse depuis quelques années un trip minimaliste parfois difficile à suivre. Non pas que l'attrait du chanteur de Pearl Jam pour l'acoustique et l'organique soit un fait nouveau, mais il reste que depuis la parution de la formidable bande originale du non moins formidable film Into the Wild, l'artiste est pris dans une mouvance qui le rend prévisible. Car minimaliste ne rime pas toujours avec authentique...

Un album entièrement dédié à un de ses instruments fétiche, le ukulélé, voilà donc le pari de ce Ukulele Songs qui, il faut le reconnaître, porte bien son nom. Mis à part un violoncelle discret (sur le single « Longing to Belong ») et l'intervention tout autant discrète d'amis artistes de VEDDER (Glen Hansard et Cat Power) l'album présente uniquement cet instrument à cordes pincées et la voix chaude du bonhomme, pour un résultat autant enthousiasmant qu'affligeant. Car l'artiste use de ficelles grosses comme le bras, mêlant romantisme champêtre à la Into The Wild et mal-être personnel, déceptions amoureuses et dilemmes sentimentaux. Oui, c'est mignonnet, et souvent sympathique, mais la courte durée des morceaux (moins de trois minutes en moyenne) peine à contrebalancer le fait que, malgré tout, l'auditeur s'ennuie ferme à l'écoute de cette ode à la gloire de l'instrument hawaïen. Car là où une guitare sait se faire rondeurs et nuances, le ukulélé, du fait de sa faible amplitude de notes, tend à agacer par son côté monocorde et son manque de variété dans les sons distillés. Tant et si bien que malgré un panel raisonnable de thèmes abordés et d'ambiances distillées, l'ensemble peine à décoller.

Allez, reconnaissons tout de même un certain charme à « Sleeping by Myself », « Satellite » et surtout « You're True », qui parviennent à s'imposer grâce à cette « patte » VEDDER, mêlant à merveille extase et mélancolie dans une recette au goût relevé. On apprécie également cette adaptation de « Can't Keep », titre de Pearl Jam que l'artiste jouait déjà seul avec un ukulélé sur scène depuis de nombreuses années. Malheureusement, le reste sombre dans un pathos duquel distinguer le bon grain de l'ivraie devient une gageure. Le moment le plus intéressant reste finalement celui ou VEDDER casse une corde, preuve que l'ensemble invite plutôt à la somnolence qu'à la fascination du talent du bonhomme.

Trop, c'est trop. La machine s'enraye, et Eddie VEDDER ressasse inlassablement les mêmes gimmicks, se faisant amoureux païen ou crooner conquérant. Il n'y a certainement pas ici matière à s'extasier, à l'écoute de ce qui reste plus une collection de petites chansonnettes sympathiques qu'un album doté d'un réel intérêt. Les inconditionnels du ukulélé trouveront sans doute un intérêt pour cet album à la gloire de leur instrument, mais l'ensemble sonne tout de même terriblement réchauffé et inintéressant. Un VEDDER bas de gamme, chose rare (et espérons-le, exceptionnelle), mais le talent de l'artiste ne semble pas près pour autant de se tarir. Un léger faux-pas, à prendre comme un clin d'œil sympathique à ces grosses productions sophistiquées qui donnent plus d'importance à l'enrobage des morceaux qu'à leur qualité intrinsèque.