Comment une simple consultation du site d'un jeune groupe autrichien peut-elle vous amener à visiter le site du regretté Alex Métayer puis regarder ébahi une vidéo de l'acteur américain Jamie Foxx en train de s'essayer au yodel sur Youtube ? La pérégrination abrutie de l'esprit humain en est très probablement la cause. L'esprit, comme les doigts sur le clavier fébrile, vagabonde et semble animé d'un constant besoin de progresser, de ne pas rester inactif plus de quelques secondes. Il lui faudra pourtant une bonne heure et quart de mise au repos pour prendre la pleine mesure du deuxième album de FRESCH, qui nous prouve qu'au pays de la choucroute les musiciens ne sont pas des fainéants.

Laissez de côté vos méthodes de guitare de Marcel Dadi et Django Reinhardt. Avec ses trois guitares acoustiques, FRESCH n'est certainement pas un groupe de virtuoses à la technique affolante. Pas de démonstration stérile d'un quelconque talent ici, la guitare ne se fait pas savante, mais plutôt tendre et émotionnelle. L'intérêt de la formation, qui n'a recours qu'à cet instrument et aux voix de ses trois membres, réside en effet dans sa capacité à proposer des mélodies riches et des harmonies parfaitement dosées, rendant l'album largement accessible aux novices en quête des merveilles produites par le célèbre instrument à six cordes. Entre pièces instrumentales et chansons aux accents folk, Vision se fait un album long mais pas complexe pour un sou.

C'est vrai, l'ensemble flirte constamment entre professionnalisme et amateurisme, et rebutera peut-être ceux qui s'attendent à une production des plus léchées et un son irréprochable. Vision est un album brut de décoffrage, mais le mixage des trois guitares, parfaitement dosé, se fait le vecteur d'une profondeur de son dont on peut se délecter sur chacun des nombreux passages instrumentaux (« Bergluftkristall », « 's Fliaßt » et ses nombreux changements d'ambiance, « Schmetterlingskuss »). Entre ceux-ci des chansons, avec des couplets et des refrains, sur lesquelles les voix deviennent aussi importantes que les guitares, se fondant dans une harmonie d'une grande beauté. Certaines valent particulièrement le détour, à l'image de l'enjouée « Homeless passenger », la délicate « Lost in time » et surtout « I am here » et ses 6'30 au garrot, qui s'impose rapidement comme la perle de l'album.

Il flotte sur l'ensemble comme un goût sucré, un résidu de mouvement hippie, apaisant et joyeusement désabusé. Entre odes à l'amour libertaire et à la démilitarisation de nos nations occidentales, FRESCH n'hésite pas à pratiquer l'antinomie, susurrant de violentes paroles sur des musiques le plus souvent tendres et délicates.

Il n'y à pas ici de quoi partir en escalade dans les Alpes pour rejoindre l'Autriche. La musique de FRESCH n'est pas des plus impérissables mais parvient, par son originalité et son savoir-faire, à convaincre les plus sceptiques. Avec ce Vision d'une qualité égale à son prédécesseur, Superstrings, le groupe poursuit son petit bonhomme de chemin, avec talent et sincérité. Rien que pour cela, FRESCH mérite que l'on s'attarde, ne serait-ce qu'un peu, sur cet album qui vaut tout de même largement le coup.