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OPéRA POST-ROMANTIQUE  |  STUDIO

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Richard WAGNER - Tristan Et Isolde (kleiber) (1982)
Par MARCO STIVELL le 15 Juillet 2012          Consultée 4453 fois

Lorsqu'il se lance dans l'aventure Tristan et Isolde, Richard WAGNER a un passé certes rempli, mais qui n'est, de l'avis général, réellement à la hauteur de son talent que depuis Le Vaisseau Fantôme (1843) et Tannhäuser (1845). Dix ans après ce dernier, le compositeur se rapproche des légendes celtiques et s'inspire directement de celle des deux amoureux, autrefois ennemis (Tristan a tué l'amant d'Isolde), unis par des tromperies et un philtre d'amour, contraints de mourir au final, le premier par l'épée et la seconde choisissant de le suivre. Le récit est poussé de telle manière que l'on se dit que cette mort est plus un soulagement pour eux qu'autre chose. Gottfried de Strasbourg avait à nouveau traduit la légende dans les années 1840 et WAGNER l'a découvert ainsi. Gottfried disait qu'elle ferait "un drame tragique passionnant", et le compositeur en a convenu, quoique préférant se concentrer sur les états d'âme plutôt que sur les événements.

Le "Prélude" de Tristan et Iseult a, à lui tout seul, révolutionné tout l'histoire de la musique, il mérite donc bien que l'on s'y attarde un peu. Plus précisément, c'est le premier motif, joué par les cordes et les vents, répété trois fois avec des silences entre, qui se révèle des plus importants. "Sans lui", comme dirait mon prof de composition, "tout ce qui est derrière s'écroule !" Pensez un peu, trois notes, un accord, une note de passage et un autre accord avec d'abord une note qui ne lui appartient pas à la base... Je résume simplement et grossièrement, mais c'est pour dire que c'est ce motif qui a permis de passer de l'écriture rigoureuse du courant baroque puis classique et encore un peu des romantiques, à un matériau de composition beaucoup plus libre dans le choix des couleurs sonores, aussi bien en ce qui concerne l'harmonie (les accords) que la mélodie ! Du tonal dit "restreint", on passe au tonal dit "élargi", et le romantisme laisse place à une forme de post-romantisme, plus moderne encore (pour l'époque). Même si vous ne comprenez rien à ça, dites-vous que WAGNER a mis un grand coup de pied dans une fourmilière établie depuis des siècles. Et bien sûr, ce "Prélude" est une pièce orchestrale à lui tout seul, constitué sur plus de dix minutes de montées d'orchestre colossales, toujours enrichies et formant un climax avant que tout ne s'évanouisse. Une merveille absolue, et ce n'est que le "Prélude" !

Le premier acte comporte tout la partie où Tristan et Isolde sont sur le bateau, lorsque celle-ci veut le faire mourir et qu'à la place du philtre de mort, sa servante Brangaene leur donne le philtre d'amour, le véritable élément perturbateur de l'histoire. WAGNER s'est arrangé pour qu'à chaque fois que celui-ci est mentionné dans le texte, lors de cet acte-ci ou un autre, il fait jouer à l'orchestre le fameux thème décrit ci-dessus. Il sera lié à l'aveu comme au désir en réalité. Comme souvent dans ses pièces, on retrouve aussi son goût pour la dramaturgie musicale, arriver à souligner les émotions -parfois contradictoires- de chacun avec un ton orchestral du même ordre. Lorsque Isolde chante "Non pas le glaive, non pas la main", c'est fragile, suave et sublime, tandis que lorsqu'elle crie "Mort pour nous deux !", les instruments forment une masse énorme. Parmi les autres nombreux moments de bravoure, citons les cordes frileuses lorsque Isolde prend le philtre de mort, rejointes par les battements de coeur joués aux percussions lorsque les deux protagonistes ont bu, ou encore la dernière partie où des montées musicales rejoignent leur passion avant que le dialogue ne s'accélère et qu'un thème royal ne soit joué à la fin, signalant l'arrivée en Cornouailles.

Le deuxième acte est principalement dédié à la passion de Tristan et Isolde, dans les jardins du roi Marke (à qui la jeune femme était promise...) et à l'arrivée de ce dernier, découvrant la trahison de son meilleur chevalier. On y perçoit à nouveau les dynamiques orchestrales chères à WAGNER (dans les dialogues et l'action finale, le combat entre Tristan et Mélot) et des leitmotivs bâtis autour des arpèges de harpe, lors des longs discours comme lorsque les deux amoureux déclament leurs sentiments réciproques. Une réelle beauté s'installe lorsque Isolde est dans le jardin au début, ou quand les amoureux se parlent sous l'arbre, les notes tenues de Brangaene, ou lors des échanges entre Marke et Tristan.

Quant au troisième acte, il représente bien sûr la mort progressive de Tristan blessé par Mélot, attendant Isolde qui ne lui arrive qu'à son terme. Marke arrive aussi, et bien que rongé, pas rancunier mais il est trop tard, et Isolde ne désire que mourir à son tour. Il sera amusant de remarquer que la mélodie au chalumeau jouée pour avertir Tristan par le pâtre qui guette le bateau d'Isolde, est restituée non pas par une flûte ou un piccolo, mais par un cor anglais. On ressent peut-être mieux que jamais la maestria de WAGNER a utiliser les dynamiques orchestrales, en particulier dans le dialogue entre Tristan et son serviteur Kurwenal : les musiques rattachées à ce dernier son joyeuses, héroïques mais retombent vite lorsque Tristan blessé à mort parle. Le pathos installé par les cordes du prélude est magnifique, et le final d'Isolde en monologue reste l'une des plus belles parties écrites pour l'opéra.

Nous en venons à l'interprétation du chef-d'orchestre Carlos Kleiber qui n'était selon le livret du disque, pas du tout confiant et semblait carrément désappointé lorsqu'il a fait jouer sa première, avant d'être totalement rassuré par les critiques qui lui ont fait un triomphe. Beaucoup ont très vite dit qu'ils ne pourraient plus réentendre autrement Tristan et Isolde. On comprend pourquoi à l'écoute de ce disque, car d'abord, Kleiber a minutieusement choisi ses chanteurs, au point que chaque rôle parmi les principaux colle désormais à la peau de son interprète. Que dire de ce roi Marke par le baryton-basse Kurt Moll, ô combien émouvant en particulier sur son long discours du deuxième acte ? Que dire du choeur d'hommes pour les marins, certes occasionnel mais si bien coordonné ? Que dire de Kurwenal ou de Brangaene, s'adaptant à merveille à leurs dynamiques ? Que dire encore des deux rôles principaux ? Tristan par René Kollo et Isolde par Margaret Price semblent si fragiles, proches de leur sort... On dirait que Price (néanmoins considérée comme trop "viennoise", "mozartienne" par certains critiques) a toujours chanté son discours final. Quant à l'orchestre, tout est bien fait pour qu'il "n'avale" pas les voix, sans pour autant être inaudible. Un climat de pureté se développe, en particulier sur le début et le final. A recommander chaudement.

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   MARCO STIVELL

 
  N/A



- René Kollo (tristan)
- Margaret Price (isolde)
- Kurt Moll (le roi marke)
- Dietrich Fischer-dieskau (kurwenal)
- Werner Götz (melot)
- Brigitte Fassbaender (brangaene)
- Anton Dermota (le pâtre)
- Wolfgang Hellmich (un pilote)
- Eberhard Büchner (un jeune matelot)
- Choeur Rundfunkchor De Leipzig
- Orchestre De La Staatskapelle De Dresde
- Carlos Kleiber (direction)


- 1er Acte
1. Prélude
- première Scène
2. Vers L'ouest Erre Mon Regard
- deuxième Scène
3. Le Vent Frais Souffle En Direction De La Patrie
- troisième Scène
4. Hélas ! Hélas ! Devoir Supporter Ca !
- quatrième Scène
5. Debout, Les Femmes ! Pimpantes Et Joyeuses !
6. Que Messire Tristan Pénètre Ici !
- cinquième Scène
7. Tristan ! Isolde ! Infidèle Si Cher !

- 2ème Acte
1. Prélude
- première Scène
2. Les Entends-tu Encore ?
- deuxième Scène
3. Isolde ! Bien-aimée ! Tristan ! Bien-aimé !
4. Oh ! Descends Sur Nous, Nuit De L'amour
5. Que Celui Auquel Sourit Le Rêve De L'amour...
6. Ecoute, Bien-aimé ! Laisse-moi Mourir !
7. Mais Notre Amour Ne S'appelle T-il Pas Tristan Et
8. Ainsi Nous Mourrions, Sans Séparation
- troisième Scène
9. Assure Ton Salut, Tristan !
10. En Es-tu Vraiment Sûr ? Le Crois-tu Donc ?
11. Ô Roi, Cela, Je Ne Puis Te Le Dire

- 3ème Acte
- première Scène
1. Prélude
2. On Entend Le Chalumeau D'un Pâtre
3. Kurwenal ! Hé ! Dis-moi, Kurwenal !
4. Oh ! Ca ! Comment Tu Y Es Venu ?
5. La Lumière Ne S'est Pas Encore Eteinte
6. Nul Navire N'est Encore En Vue !
7. Es-tu Mort à Présent ? Vis-tu Encore ?
- deuxième Scène
8. Oh ! Ce Soleil ! Ah ! Ce Jour !
9. Me Voici, Me Voici, Ami Tant Aimé !
- troisième Scène
10. Kurwenal ! Ecoute ! Un Second Navire !
11. Comme Il Sourit Avec Calme Et Douceur



             



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