« Hip Hop ». Il a bien fallu coller une étiquette à cet album, alors respectons les souhaits des créateurs de cLOUDDEAD, Odd Nosdam, Why? et Doseone, qui aimeraient que l'on désigne cette musique comme étant « juste du hip-hop ». Mais même l'auditeur habituellement réfractaire à ce style de musique pourrait se laisser séduire sans peine par cLOUDDEAD, tant l’œuvre est singulière et sans réelle équivalence en terme d'artistes ou de style musical.

Car oui, la musique que nous sert ici le trio est quand même bien atypique. Pas le genre de machin inaccessible semi-expérimental que seule une poignée d'esthètes pense avoir saisi, le reste de l’auditoire s'ennuyant à mourir. Non, la musique de cLOUDDEAD est simple, constituée principalement de nappes de clavier sur lesquels Why? et Doseone posent leur flow si particulier. En résulte un hip-hop ambient évoquant une multitude d'univers, bien souvent brumeux et pourtant très aériens, grâce à des touches de clavier majestueuses, au son légèrement tremblant, un peu indéfini (qui peuvent évoquer quelques titres de BOARDS OF CANADA). Un beat simple et léger vient accompagner ces nappes hypnotisantes, le tout se déroulant généralement sur un tempo lent qui ajoute encore à cette sensation de brouillard que dégage l'ensemble de l'album. Et tout ceci semble avoir été comme sous mixé, les quelques touches de basses se faisant discrètes et incertaines, les voix un peu lointaines, la boîte à rythmes subtilement étouffée. C'est très dépouillé, c'est très fin, et ça touche souvent au sublime.

Difficile de prendre en défaut les 12 (longs) titres de l'album, et pourtant son écoute complète s’avérera un peu laborieuse, voir incommode. Il faut dire que cLOUDDEAD est une compilation de 6 maxis mis bout à bout, pour 1h13 de musique, et comme il n'est pas à moitié original, les titres en eux-mêmes ont des structures étranges, d'ailleurs le mot « structure » est peut-être un peu fort : chaque titre est en général une succession de 3 ou 4 plans, parfois liés les uns aux autres, parfois sans transition aucune, comme si un titre s'était fini et qu'un autre commençait, mais en fait non, c'est le même. En résulte une écoute un peu déroutante sur la longueur, parsemant ce voyage unique d'un peu d'ennui ou d'incompréhension, de temps à autre. Mais, à terme, pour l'auditeur patient, cela n'est plus un défaut, et chaque double titre révèle au fur et à mesure sa touche spécifique, pour former un disque incroyablement complet.

cLOUDDEAD nous offre une œuvre singulière au son assez unique et difficile à décrire, à conseiller à tout amateur de musique, quel que soit son genre de prédilection, à la condition qu'il ne soit pas un hyperactif qui n'écoute de la musique que pour headbanguer, auquel cas il pourra tracer sa route vers d'autres horizons. cLOUDDEAD est une œuvre qui trouva une suite nommée Ten, très bonne mais bien plus sage, ayant un peu perdue de cette immense liberté créatrice palpable sur chaque seconde de cLOUDDEAD, aujourd'hui devenu un classique dans son genre (vu qu'il est le seul, certes). Il ne tient qu'aux curieux d'aller l'explorer.