Pas facile de chroniquer ce nouveau CD de John Fogerty, les titres sont ultra-connus et semblent sur le papier sacrifier à la mode "je passe en studio pour chanter un titre (ou j’envoie ma contribution par internet) sur un CD hommage".
Et puis se frotter au répertoire de Fogerty même s’il participe au projet, c’est dur, dur.
Cette musique est la bande son d’une Amérique idéale, fantasmée, celle que, encore adolescent, après avoir acheté le 45 tour Lookin’ Out my back door/Long As I Can See The Light, je m’étais promis de parcourir, sur les longues routes bardées d’immenses truckers, les motels sordides cachés dans les endroits les plus improbables, et les bars sombres où tous ces mecs te dévisagent en sifflant leur bière quand tu pousses la porte, comme dans un western, sauf que je ne possède pas le regard d’acier d’Henri Fonda ou de Clint Eastwood.
Et quelques années plus tard en insérant un CD de Fogerty ou de Creedence dans l’autoradio sur la route 66, j’ai réalisé ce rêve d’Amérique, avec ses paysages, sa beauté, son immensité.
Fogerty, l’homme qui, en conflit avec sa maison de disques, a préféré ne rien sortir pendant plusieurs années pour récupérer les droits des chansons de Creedence Clearwater Revival et qui a repris le cours d’une carrière solo flamboyante parsemée de titres et d’albums excellents.
Alors Wrote A Song For Everyone peut être considéré comme un hommage, une marque de respect à un immense artiste, un songwriter hors pair et un performer de très grande classe.
Mais quand on pose le CD sur la platine, on oublie toutes ces belles théories, nous avons attendu très longtemps la sortie de l’album, mais là, chapeau !
Le plus beau, le plus poignant, c’est « Who’ll Stop The Rain » avec l’immense Bob Seger qui magnifie cette chanson pacifiste, mais c’est juste parce que j’adore Bob Seger car tous les morceaux sont superbes.
On va parler des inédits, « Mystic Highway » et « Train Of Fools » qui démontrent que le gars John n’a rien perdu de son style.
Sinon dans ce best of, on retient particulièrement « Bad Moon Rising » avec un Zac Brown Band au top du top et la version New Orleans de « Proud Mary » chantée par Jennifer Hudson aidée par l’immense Allen Toussaint et le Rebirth Brass Band qui lui donne des allures de Tina Turner.
Et un petit gars qui est vraiment dans son élément, c’est Brad Paisley qui nous torche une sacrée version de « Hot Rod Heart ».
Une petite surprise avec « Lodi » sur lequel jouent les deux fils de John, Shane et Tyler.
Mais in fine cela sonne vraiment comme un autre album de Fogerty tant ce mec a une présence, une personnalité qui s’impose naturellement à tous les interprètes même les plus talentueux.
Et dès les premières mesures de « Fortunate Son », on commence à sentir le bout des orteils frétiller, puis le pied taper la cadence, puis on chante le refrain et c’est parti pour tout le CD.
L’album est sorti aux USA le 28/05/2013, date de l’anniversaire de John qui fête ses 68 ans.
Quand on écoute ce disque on se dit que notre homme a été plongé tout petit dans un bain de jouvence éternelle, et que ses hymnes indémodables, intemporels font partie des meilleures chansons rocks écrites depuis les sixites, quand les marines pataugeaient dans les rizières en chantant « Who’ll Stop The Rain ».
John, tu reviens en Europe quand tu veux, ta fougue et ta musique en live commencent à nous manquer.