Vous vous êtes sûrement déjà surpris à regarder ces vidéos de musiciens virtuoses précoces (souvent asiatiques il faut le dire), par exemple la reprise du « Canon » de Pachelbel pour ne citer que lui. Et bien Hiromi Uehara fait partie de ces gens qui, dès leur enfance, ont révélé des prédispositions musicales. Effectivement, elle commence le piano à l’âge de 6 ans et intègre peu après une prestigieuse école au Japon puis aux Etats-Unis. A 17 ans, elle joue avec le grand Chick Corea, qui deviendra une de ses influences majeures. Pour son troisième opus, elle s’entoure à nouveau du bassiste Tony Grey et du batteur Martin Valihora avec lesquels, 2 ans plus tôt, elle sort l’album Brain déjà très bien reçu par les critiques.

Si l’on devait qualifier la musique d’Hiromi, il faudrait parler de jazz fusion. Un style un peu fourre-tout, je vous l’accorde, mais qui reflète parfaitement son large éventail d’influences. De la musique classique de Bach, au jazz déchaîné d’Oscar Peterson et d’Ahmad Jamal (son mentor), en passant par le rock progressif de King Crimson sans oublier le reggae, Hiromi dispose d’une palette de couleurs musicales impressionnante. La jeune japonaise nous offre ici 9 compositions originales et une musique fraîche et complexe. Son jeu se caractérise par un style parfois orchestral (« Edge ») qui donne l’impression de plusieurs pianos, mais aussi par sa capacité à utiliser ses deux mains de façon incroyablement intelligente.

Les thèmes sont variés et recherchés et accrochent souvent dès la première écoute. De plus, Hiromi se plait à jouer sur les contrastes tempo rapide/tempo lent qu’elle maîtrise parfaitement. Cet aspect est simplement génial. En effet, après une intro et un thème bien rythmés quoi de mieux que de « souffler » pour ensuite, reprendre de plus belle ? N’oublions pas les autres membres du groupe qui contribuent clairement à apporter une touche de modernité. Contrairement, aux formations classiques de jazz, le piano est accompagné par une basse (et non une contrebasse) au son assez électrique et par une batterie dont le style technique rappelle souvent le rock. « Old Castel… » est un joyau : une intro qui mène crescendo à une mélodie frissonnante jouant toujours sur les variations de tempo et d’ambiance. Autre morceau génial, « Love and Laughter ». Son thème sautillant et presque cartoonesque rappelle la musique déjantée de Franz Liszt, musique à laquelle a été adapté un épisode de Tom et Jerry ( !).

Malgré tout, on note quelques longueurs difficiles à digérer. Notamment sur les deux premiers titres qui s’essoufflent un peu et rappellent les interminables improvisations de Keith Jarrett. En guise de conclusion, Hiromi change de cap pour se diriger vers l’électro/jazz. Ainsi, « Return of Kung-Fu World Champion » rappelle énormément les expériences électriques de Chick Corea de la fin des années 80 ou même certains albums d’Herbie Hancock. C’est indubitablement prodigieux, mais encore une fois 10 min d’affilée c’est un peu lassant. Les idées sont toujours bonnes mais peut être trop nombreuses dans un seul et même morceau.

Finalement, Hiromi Uehara marque clairement dans l’originalité grâce à son style unique qui allie dextérité et maniement des sentiments. Spiral est un album abouti témoignant d’une maturité musicale certaine.

Morceau préféré : "Old Castle..."