Voici ce qui aurait du constituer le nouvel album de THIN LIZZY. Et qui au final ne le sera pas.

Résumons donc un peu les épisodes précédents pour ceux qui dorment au fond : en 1996, le guitariste John Sykes reforme THIN LIZZY avec le consentement de la mère de Phil Lynott afin de lui rendre hommage et de faire vivre le répertoire mythique du groupe en concert. Brian Downey (batterie), Scott Gorham (guitare) et Darren Wharton (claviers) participent alors de façon épisodique à l’aventure, accompagnés par divers mercenaires de renom. Citons ainsi dans le désordre Vivian Campbell, Tommy Aldridge, ou encore Marco Mendoza (vous noterez d’ailleurs au passage que les noms que je viens de citer ont tous officié chez WHITESNAKE...) Le "nouveau" THIN LIZZY tournera alors activement entre 1997 et 2010, enregistrant même un album live en 2000, One Night Only. Finalement, John Sykes préférera laisser le groupe entre les mains de Scott Gorham en 2010, qui va alors stabiliser le line-up et recruter le chanteur nord-irlandais Ricky Warwick (ex-The ALMIGHTY), dont la voix est très proche de celle de Phil Lynott, ainsi que le guitariste Damon Jonhson (ex-ALICE COOPER). Et c’est alors que va germer le projet d'un nouvel album...

En 2012, la nouvelle que beaucoup attendaient (ou redoutaient) tombe donc enfin : THIN LIZZY envisage sérieusement d'enregistrer un album studio inédit. Seul problème : ce nouvel album peut-il décemment sortir sous le nom THIN LIZZY ? Peut-on sincèrement envisager de nouvelles chansons du mythique groupe irlandais sans la présence vocale de Phil Lynott ? Après plusieurs mois de réflexions activement relayées par la presse, le groupe préfère renoncer à commettre un tel "sacrilège" en changeant purement et simplement de nom : THIN LIZZY deviendra donc BLACK STAR RIDERS.
Mais ce changement de nom ne fut pas sans conséquences pour le line-up : Brian Downey, trop vieux pour continuer l’aventure, laisse son siège au mercenaire Jimmy DeGrasso (ex-SUICIDAL TENDENCIES, ex-ALICE COOPER) pendant que Darren Wharton préfère se recentrer sur son projet DARE. Au final, seul Scott Gorham assurera la continuité entre les deux groupes, qui finissent par être quand même très différents au bout du compte. Le changement de nom était donc quand même un choix plus que judicieux... Sans compter que le groupe n’a désormais plus rien d’irlandais du tout, si ce n’est la présence de Ricky Warwick, originaire d'Irlande du Nord.

De prime abord, ce premier album des BLACK STAR RIDERS est donc à prendre comme ce qu'il prétend être : le premier album d'un tout nouveau supergroupe de hard rock composé de légendes (et encore un, tiens !) Néanmoins, l'héritage de THIN LIZZY se veut bien présent sur ces nouveaux titres, et l'on s'en rend compte immédiatement à l'écoute de "Kingdom Of The Lost", énormissime titre de rock celtique qui n'est pas sans évoquer les grandes heures de l'album Black Rose de 1979, enregistré avec Gary Moore. "Bloodshot" présente également de sympathiques références au rock celtique qui posent d'emblée l'ambiance et nous rassurent sur la continuité musicale entre les deux groupes. Certains titres sont par ailleurs de vrais joyaux de hard rock, qui n'auraient pas démérités d'être publiés sous le nom THIN LIZZY : c'est ainsi le cas de la monstrueuse "Valley Of The Stones", monument de hard rock puissant, punchy et efficace, assurément l'un des titres les plus réussis de l'opus. "Kissin' The Ground" et "Before The War", malgré des côtés un peu convenus, sont également d'excellents titres du genre. La longue chanson finale "Blues Ain't So Bad", avec ses relents doom façon BLACK SABBATH, est tout aussi jouissive et clôt l'album à merveille.

Tout n'est cependant pas réussi, bien sûr : certaines chansons sont plutôt anecdotiques, telles que le single "Bound For Glory", franchement ennuyeux, ou bien encore "Someday Salvation", ballade un peu niaise et passe-partout. "Hey Judas" est également assez quelconque, sans réelle profondeur...
On ne peut s'empêcher par ailleurs de trouver l'ensemble un peu trop bien produit et quelque peu lisse. Les côtés hard rock américain, couillu et burné, semblaient inévitables sur un album enregistré par un tel line-up (si on excepte Warwick, la totalité des musiciens sont originaires des Etats Unis d'Amérique). Il n'est évidemment pas sûr que si Phil Lynott eut été vivant en 2013, le nouvel album de THIN LIZZY ai sonné de la sorte. Mais je divague, car au final ça on s'en fout : ce brave Phil n'est malheureusement plus parmi nous, BLACK STAR RIDERS est un tout nouveau groupe, et cet album n'est finalement pas et ne sera jamais un album de THIN LIZZY.

Pour conclure, on peut dire qu'au final All Hell Breaks Loose ne déçoit pas du tout. Les ex-THIN LIZZY nous délivrent un très bon disque de hard rock à l’ancienne, qui rend parfaitement hommage à l’héritage de THIN LIZZY ainsi qu'à son mythique leader disparu, sans trop sombrer dans le pastiche mais sans atteindre non plus des sommets d’originalité. Toutefois, gorgé de bonnes idées et fruit d'un savoir-faire musical incontestable, il constitue un excellent départ pour les BLACK STAR RIDERS. Reste à espérer que cela dure.

Titres favoris : "Kingdom Of The Lost", "Hoodoo Voodoo", "Valley Of The Stones"

Note réelle : 3,5/5