La pochette nous le suggère immédiatement : Cheveau a un rapport direct avec Cheveu, premier album de notre trio français éponyme. Sorti uniquement aux USA sur le label Permanent Records de Chigaco, il ne s’agit toutefois pas d’une suite, ni même d’un véritable album, mais plutôt d’une sorte de complément au disque de 2008, constitué de pistes qui n‘ont pu être intégrées à ce dernier ou tout simplement inachevées. « Unfinished & kind of experimental songs » précise d’ailleurs le groupe à son égard sur Internet, à vrai dire le résumé le plus concis que l’on puisse faire.

Expérimentaux et inaccomplis, beaucoup de morceaux le sont en effet, d’où quelques déchets inutiles, sans queue ni tête, expériences parfois intéressantes au premier abord mais rapidement décevantes au vu du résultat final. En tête de celles-ci, les incursions de CHEVEU sur des terrains plus électroniques, où guitares frontales et chant sont écartés, notamment sur les soûlantes « St Jazz » et « Daft Cheveu », qui brisent à chaque fois la fougue hargneuse des compositions précédentes et laisseront malheureusement nos oreilles voraces sur une faim frustrante. Même constat pour cet « Espace Détente », se limitant à un seul et unique riff, qui néanmoins a la politesse de ne pas s’éterniser. Mais ! N’exagérons rien, vraiment, car il est toutefois facile de reconnaître qu’à part ces deux vilaines tâches, Cheveau se révèle être dans son intégralité une vraie petite mine d’or. Parmi ses plus belles pépites, citons le « Kador du Porno » et son refrain jouissif, rock aussi nerveux que crasseux, à l’instar de « Pangolin », « Elvis » ou « Palestine », certes moins tranchantes qu’une « Jacob’s Fight », mais en définitive elles-aussi des plus efficaces. L’excellente « Sasha », passant du glauque au déglingué au cours d‘une montée en puissance des plus inattendues, est également de ces rangs-là et confirme bien un album placé sous des auspices très noisy.

Plus loin, les bizarreries lysergiques de l'hallucinante « PsyX » montrent un visage plus inhabituel chez CHEVEU, qui s’essaye à la musique planante, ici avec beaucoup de succès. La descente est par contre effectuée dans le bad trip le plus total alors que « Planet Camping » prend le relais avec sa mélodie presque mortuaire et mène l’auditeur vers des eaux peu rassurantes. Dans la même veine, « Touloulou », alternant ambiances mystérieuses et nocturnes aux claviers et riffs à la « Lola Langusta », mérite aussi toute notre attention. On regrettera entre elles les trop longues « Chabada » et « Rupture Mouvement 1x2 », de bonne facture mais tournant un peu trop autour du pot pour prétendre parvenir à nous convaincre.

Cheveau n’est pas la meilleure sortie discographique de CHEVEU et n’y prétend d’ailleurs pas. Reste qu’il demeure ma foi fort sympathique et, malgré ses deux ou trois ratés, pourrait sans conteste plaire à n’importe quel amateur d’un rock bien abrasif évoluant toujours hors de sentiers battus, qu’il connaisse l’œuvre de nos Parisiens en amont ou pas. Je conseille tout de même et évidemment le passage par les albums studios, moins décousus et d’une qualité éminemment supérieur.

3/5
À ne pas louper : « Pangolin », « Kador du Porno », « Palestine » et « PsyX ».