En règle générale, quand on évoque ASH RA TEMPEL, la première chose qui vient à l'esprit, c'est le premier album du trio allemand formé par Manuel Göttsching, Klaus Schulze et Harmut Enke. Il s'agit en effet d'une grande référence en matière de krautrock, et certains vont même jusqu'à le qualifier comme du post-rock avant l'heure. Les autres albums sortis à la même période peuvent être facilement invoqués, tout comme Le Berceau de Cristal, injustement publié deux décennies plus tard. Mais qui, dans la discussion, oserait parler de Friendship ?

Il faudrait déjà être au courant de son existence. Sorti en l'an 2000, Friendship est un album enregistré les deux années précédentes. Comme son nom l'indique, il s'agit d'une collaboration issue de l'amitié entre deux hommes. Le premier est bien évidemment Manuel Göttsching, éternel leader du groupe. Mais quant au second, il ne s'agit pas de Lutz Ulbrich, mais de Klaus SCULZE. Hé oui, 27 ans après Join Inn, voilà que le monstre sacré de l'électronique revient chez ASH RA TEMPEL. Entretemps, Göttsching a joué de temps à autre avec K.S, que ce soit sur disque ou en concert. D'ailleurs, la dernière fois que les deux musiciens se sont retrouvés avant Friendship, c'était en 1995, pour offrir un "Return to the Tempel" d'anthologie sur l'excellent In Blue. A noter bien sûr l'absence de Harmut Enke qui ne s'est jamais remis de son bad trip au L.S.D.

Ceux qui s'attendent à assister à un retour du krautrock d'ART peuvent soit se calmer, soit partir. En effet, Friendship est un album de musique électronique dans la lignée des travaux contemporains de K.S et Göttsching. A la limite, pour ne pas décevoir les vieux fans du groupe, un autre nom aurait pu être choisi. Peu importe, et de toute manière la musique de Göttsching et SCHULZE n'a jamais stagné, pour le meilleur comme pour le pire.
La structure de Friendship est assez simple, comme toujours avec les deux musiciens allemands : trois longs mouvements se succèdent, le premier, judicieusement nommé "Reunion", étant le plus long, du haut de ses 30 minutes. En ce qui concerne leur structure, la construction est la même : la première partie, prenant entre 5 et 12 minutes, est relativement calme, installant l'auditeur dans un ambient maitrisé, avant qu'une boite à rythmes soit mise en place et enrichisse le morceau de percussions électroniques. Par-dessus cet assemblage cohérent et relativement bien exécuté, Göttsching joue des accords tantôt en phase avec les claviers ("Reunion", "Pikant"), tantôt vraiment furieux ("Friendship"). Le savoir-faire allemand qui a donné par le passé des chefs-d'oeuvre comme E2-E4, X ou encore Inventions for Electric Guitar résonne assez fort sur Friendship.

Cela en fait-il un album génial pour autant ? Non. Si, techniquement, Göttsching et K.S sont irréprochables, la somme de leurs talents respectifs sert une musique belle et impressionnante, mais peu engageante et, pire, pas marquante. Ce qui manque à Friendship, c'est une certaine magie rendant la musique fantastique et jouissive. De plus, il est possible de percevoir ça et là quelques ambiances tirées d'un JARRE, ce qui passe mal auprès des puristes.

Friendship n'est pas un album totalement inutile, mais dire qu'il est essentiel serait manquer cruellement de discernement. Il permet certes de donner un ordre de grandeur quant à une association entre Göttsching et Schulze, mais mieux vaut piocher dans le passé pour s'en rendre compte que de se pencher sur l'intrus de la discographie d'ASH RA TEMPEL. A réserver aux fans.