Le label 4AD est connu depuis longtemps pour avoir révélé des artistes au talent exceptionnel. On pense évidemment à DEAD CAN DANCE, mais aussi au compositeur islandais JOHANN JOHANNSSON, et plus récemment à BON IVER. Mais 2013 aura été l’année d’une des dernières recrues du label ; un trio, une fille et deux types, mais faisant abstractions du masculinisme de la langue française, ce groupe se conjugue au féminin, car répondant au nom de DAUGHTER.

La langue française et sa complexité, DAUGHTER n’en a que faire car elle est anglaise. Il est fort probable que, moi, modeste chroniqueur masculin, serait passé totalement à côté de cette « fille » si je n’avais pas entendu d’elle une reprise aussi déroutante que superbe de « Get Lucky », l’énorme tube des DAFT PUNK, un soir à la radio. La chanson funky et tubesque de nos frenchys masqués s’est alors transformée en une ballade lente et douloureuse, pleine de larmes, que la voix fragile et tendre de Elena Tonra rend plus émouvante et prenante que toute autre reprise jusqu’ici entendue.

Intrigue et curiosité au rendez-vous. Je découvre que DAUGHTER a sorti son premier album il y a déjà quelques mois. C’est donc en toute logique professionnelle que je me suis penché sur ce If You Leave pleins de promesses, si l’on se fie à la reprise de « Get Lucky » (qui ne figure pas sur l’album, je précise…).

A la simple écoute du chant de Miss Tonra, on suppose que DAUGHTER est un groupe folk. C’est vrai dans le sens où cette voix a des similitudes avec les chanteuses folk du moment, nombreuses comme des fleurs sauvages. DAUGHTER est folk, oui, mais pas que. La guitare sèche est au final peu présente, l’électrique est toujours à l’affût, ainsi que la batterie. Excellents travail sur les percussions d’ailleurs, tant elles jouent à surprendre l’auditeur, à apparaître là où on ne les attend pas, variée et complexe. Elles contribuent à donner aux chansons d’If You Leave quelque chose qui les rend impalpables, nous filant entre les doigts telles de la fumée. Immatérielles comme la pochette de l’album. Floues, vaporeuse, planante et rêveuse. Oui, il y a quelque chose comme de la Dream-Pop dans l’univers de DAUGHTER. Quand au son des guitares, la montée de l’intensité de chaque chanson, ce crescendo hypnotisant, ça rappelle le Post-Rock. Les notes de guitares étirées ont un petit quelques chose de GY!BE, ce qui n’est pas rien comme référence… l’intro de « Tomorrow » est en cela saisissante.

Il y a aussi quelques chose de gothique dans la musique de DAUGHTER, tant la réverbération des instruments apporte une résonance digne d’une grande église. Si cela tient davantage d’un ressenti de lieu que d’un mysticisme quelconque, ces ambiances sont dignes des groupes scandinaves qui savent retranscrire le charme et le froid de leurs contrées nordiques (AGNES OBEL, PROMISE AND THE MONSTER, par exemple…). Car la musique de DAUGHTER est froide et chaleureuse à la fois. Le chant de Elena Tonra y est pour beaucoup, mais les deux autres musiciens apportent une très belle inventivité dans les climats.

Très homogènes, et c’est son principal défaut, If You Leave n’en demeure pas moins une vraie réussite, d’autant plus grande qu’il s’agit d’un premier album. DAUGHTER a placé la barre très haute, et elle sera attendue au tournant de l’éventuel et fatidique étape du deuxième album. En attendant, réécoutons des splendeurs comme « Youth » ou « Lifeform » pour se rendre compte que nous tenons là une formation très prometteuse.

A noter que les inédits de la version japonaise, « Smoke » et « Drift » sont tout aussi indispensables que les dix autres de l’album. Une vraie réussite, disais-je …