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FOLK / PIANO  |  STUDIO

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2010 Philarmonics
2013 Aventine
 

- Style : Emily Jane White

Agnes OBEL - Philarmonics (2010)
Par SUNTORY TIME le 9 Octobre 2013          Consultée 2973 fois

Il est une période précise où Automne et Hiver ne semblent faire qu’un. Les gelées matinales sont fréquentes, les arbres ont perdu leurs dernières feuilles, mais le froid n’est pas encore extrême. C’est en cela qu’il est encore plus vicieux. Froid et humide, la pire climat que l’on puisse subir sous nos latitudes. Il rentre par chaque interstice de nos vêtements, s’imprègne, nous glace au plus profond de nous. Le brouillard est épais dans les campagnes, et l’idée de sortir se balader en ferait fuir plus d’un. C’est pourtant ce que je décide de faire. Chaudement couvert, je pars sur les chemins qui ne sont pas encore assez boueux pour être impraticables. Errer dans cette campagne déserte de circulation et de bruit. Le Silence et la Brume. Etre seul, méditer peut être, ou juste affronter quelques temps le froid humide pour ensuite jouir plus intensément d’un bon feu de cheminée, assis dans un vieux fauteuil confortable avec un livre ou un disque qui tourne en fond.

Par moment, le brouillard se déchire et laisse apparaître les cimes des sapins sur les collines, de l’autre côté de la rivière que longe mon chemin. Cette rivière qui coule est le seul bruit qui se fait entendre. L’idéal pour la méditation ; je m’arrête, ferme les yeux, écoute le délicat son de l’eau… puis rouvre les yeux.

Une jeune femme apparaît alors. Vêtue d’un manteau d’hiver qui semble trop grand pour elle. Ses cheveux blonds attachés en arrière lui donnent un air austère, comme si elle débarquait des années 1900. Mais la fragilité qui se dégage de ses grands yeux bleus radoucis cet aspect faussement hautain. Elle est très belle. Et je dois admettre que quelque chose s’agite dans ma cage thoracique… Est-ce la stupeur de croiser, dans ces chemins brumeux et désolés, une si belle apparition qu’elle en parait irréelle ? Ou est-ce juste sa beauté elle-même qui me déstabilise ?

Je risque un « bonjour ». Elle me répond « Hello ». Je lui demande bêtement si elle habite ici. Elle semble comprendre mon anglais approximatif :
- Oui, je loge dans une maison qui appartient à des amis. J’y vais régulièrement pour me ressourcer.
- Ha, vous aussi ! dis-je avec un sourire niais. Et d’où venez vous ?
- Je suis danoise, me dit-elle.
Je comprends mieux ce charme si scandinave. Je décide de me présenter.
- Enchantée, je m’appelle Agnes, me répond-elle. Il fait froid, vous ne trouvez pas ? Cela vous dis de venir boire un thé chez moi ? J’habite au bout de ce petit chemin. »
Sa proposition m’enchante et me surprend à la fois. Je ne m’attendais pas à ce que cette jeune femme, si pâle et frêle d’apparence, soit aussi directe et accueillante, alors qu’elle ne me connaît que depuis deux minutes. Ai-je une tête qui inspire à ce point la confiance ? Toujours est-il que j’accepte volontiers son invitation, et la suis sur une petite bifurcation quittant les bords de la rivière.

Ce n’est qu’après quelque pas que j’aperçois la maison d’Agnes. D’abord fantomatique dans la brume, je constate qu’il s’agit d’une ancienne ferme d’architecture traditionnelle de la région. Les vieilles pierres qui constituent ces murs lui donnent un grand charme. Agnes m’invite à rentrer et la chaleur intérieure me frappe en premier. Le contraste entre le froid de l’extérieur y est pour quelque chose. Cette pièce est la salle de séjour. Assez grande, elle a gardé un aspect vieillot mais très bien entretenu. Pendant qu’Agnes remet des bûches dans l’âtre incandescent, je fais le tour du mobilier. Il n’y a pas grand-chose à part un fauteuil qui a l’air aussi vieux et confortable que le mien, et un superbe piano à queue qui trône en plein milieu de la pièce. Le Roi des Instruments dans toute sa splendeur. Un hibou empaillé est bizarrement pausé sur l’extrémité du clavier. Intrigué, je m’approche pour l’observer. C’est alors que l’animal, qui n’a rien de mort, tourne sa tête vers moi et me fixe de ses deux yeux d’ambre, le regard sévère…

- Ne vous inquiétez pas, il est très gentil, me dit Agnes, arrivant derrière moi avec deux tasses de thé.
Je la crois sur parole… mais préfère m’écarter du fier hibou. Mon geste de recul esquisse un sourire sur le visage de la jeune femme. Et je ne peux alors m’empêcher de me dire qu’elle est décidément d’une beauté fascinante…
- Vous jouez du piano ? Demande-je pour changer de sujet.
- Oui, et je chante aussi. J’ai même enregistré un disque il y a quelques mois.
- Ha oui ? Formidable ! Répondis-je, sincèrement. J’aimerais bien entendre ce que vous avez composé.
- Avec plaisir, me dit-elle avec un sourire. Quelque chose s’est remit à remuer dans mes entrailles…

Agnes, une fois son manteau enlevé, apparaît dans toute sa finesse, délicate et fragile. Une élégance renforcée par ces quelques mèches de cheveux détachées qui retombent sur son visage. Elle porte une étrange chemise épaisse aux rayures rouges, bleues et vertes. Quelques couleurs qui atténuent sa pâleur nordique :
- Je vais vous jouer toutes les chansons de mon album. Rassurez-vous, ça ne dure pas longtemps. Me dit-elle par modestie excessive.
Je m’installe dans le vieux fauteuil, tasse de thé en main, tandis qu’Agnes s’assied devant le piano, sans que le hibou ne semble dérangé, ne bougeant pas de son petit promontoire :
- Le premier titre s’appelle « Falling, Catching », c’est une petite introduction... Agnes étire ses longues mains blanches, et commence à jouer :

Des notes cristallines enrobent alors toute la pièce. Des notes d’une grande délicatesse. Je reste immobile à contempler la jeune femme, qui semble habitée par sa musique. Quand « Riverside » commence, je suis frappé par l’évidence de la mélodie. Simple et minutieuse. Mais c’est quand Agnes commence à chanter que l’émotion explose. La justesse de sa voix, si conforme à son physique. Douce, tendre, fragile et hivernale. En un mot, magnifique. Mais c’est dans le refrain que la chair de poule m’envahit. D’où viennent ces chœurs ? Sa voix se multiplie, comme si l’esprit d’Agnes se divisait en deux ou trois entités. Je la vois, cette rivière. Les notes de piano coulent comme son eau, roulant entre les rochers.
Les chansons s’enchaînent, et le mystère qui enveloppe la belle Agnes ne fait que s’épaissir. J’entends des guitares, des violoncelles qui accompagnent le piano. Mais d’où viennent-ils, ces instruments ? J’entends même une voix d’homme sur « Just So »… est-ce moi qui chante avec elle ? Je suis comme cloué au fauteuil, mais jamais l’idée ne me viendrait de me lever. Comme pris dans une douce transe, à la fois pleine de tristesse et de légèreté. Agnes chante toujours, elle est cette campagne pleine de brume, elle est cette froideur hivernale, elle est aussi cette douce chaleur du foyer. La pièce s’embrume à son tour, la voie d’Agnes se fait plus lointaine, tout semble se dématérialiser…

Je me réveille alors, engourdi par le sommeil qui m’a emporté, assis dans mon fauteuil. Le feu de cheminée n’est plus que braise, il va falloir que je remette du bois. Je repense à ce rêve… inexplicable… à moins que…
Je me lève et m’approche du lecteur CD de la maison de location. J’avais pris un disque au hasard sur les étagères des propriétaires. J’éjecte le disque et le replace dans son boîtier. Je regarde la pochette… stupeur. La jeune femme sur la pochette s’appelle Agnes OBEL, elle est blonde et pâle, avec de grands yeux bleus. Ses cheveux attachés lui donne un air faussement austère. Elle porte une étrange chemise aux rayures rouges, vertes et bleues. Ce portrait ressemble à une vieille peinture, avec quelques discrètes craquelures, comme si la jeune femme venait d’une autre époque. Elle est très belle…

Une ombre passe devant la fenêtre, je me retourne en sursautant. Un hibou est posé sur le rebord, derrière les carreaux de verre. Il m’observe de ses grands yeux couleur d’ambre, l’air sévère. A peine je fais mine de m’approcher de la fenêtre que le rapace s’envole. Je me précipite vers la porte d’entrée et me retrouve sur le perron, observant les alentours. Les sapins sont comme des être fantomatiques pris dans le brouillard de cette période charnière entre automne et hiver. Il y a comme une mélodie de piano qui flotte dans l’air…

(Ce texte est une fiction. Toute ressemblance avec des personnes existantes serait purement fortuite.)

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   SUNTORY TIME

 
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- Agnes Obel (chant, piano)
- Daniel Matz (rythmique)
- Frederique Labbow (violoncelle)
- Isabelle Klemt (violoncelle)
- Anne Müller (violoncelle)
- Robert Kondorosi (guitare)
- Alex Brüel Flagstad (chœur sur « just so »)


1. Falling, Catching
2. Riverside
3. Brother Sparrow
4. Just So
5. Beast
6. Louretta
7. Avenue
8. Philarmonics
9. Close Watch
10. Wallflower
11. Over The Hill
12. On Powdered Ground



             



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