David Crosby est de retour avec un album solo, son premier depuis vingt ans. Reconnaissons que mis à part le fabuleux If I Could Only Remember My Name, qui est sorti en … 1971, ses escapades en solitaire ne sont pas entrées dans l’histoire. Mais le gars est une légende, déjà par sa longévité, alors qu’il a pratiqué les excès en tout genre, avec des séjours en prison, des addictions à la dope, un penchant pour les armes à feu, bref très loin de l’image de vieux patriarche tranquille à moustache blanche que propose la pochette.
Et puis il reste sa voix, je me souviens avoir été scotché en juillet 2013 à Albi, à un concert de Crosby, Stills & Nash. Alors que Stills chante quasiment faux, que Nash s’en sort mieux, mais est parfois à la peine, notre Crosby harmonise magnifiquement, tel un druide, les yeux fermés, dans une autre dimension, s’envolant très loin le temps d’une chanson.

Croz, enregistré dans le studio de son fils, également co-auteur de la moitié des titres - ce fils qu’il n’a pas connu dans son enfance et qu’il a retrouvé à l’âge adulte, je vous passe « la tragic story » mais c’est aussi une certaine revanche sur la vie -. Et on retrouve la magie de Crosby, celle qui a fait voler les Byrds si haut, celle qui donne des frissons dans CSN&Y, une douceur, une simplicité et une pureté superbe, inégalée. Pas de guets stars, mis à part Mark KNOPFLER à la guitare et Wynton MARSALIS à la trompette, chacun sur un titre. La tonalité de l’ensemble est dominée par les guitares acoustiques, avec quelques incursions de claviers, de trompette ou de piano.

L’ensemble est cool, Crosby est un mec qui sait faire des petites chansons intimistes, avec comme sur « Find a Heart », un parfum seventies de la West Coast. Il ne cherche pas à innover, à explorer de nouveaux sons, mais à jouer ce qu’il aime, ce qu’il a toujours fait, même si « Set that Baggage Down » est presque swinguant. Mais le Crosby intemporel se révèle sur « Holding on to Nothing » avec les harmonies vocales (Nash est dans le coin) et son solo de trompette, ce morceau aurait pu figurer sur son premier album…
Visiblement, Crosby a atteint cette forme de maturité qui lui permet de faire vraiment ce qu’il a envie, de toute façon la vache à lait CS&N est là pour assurer la retraite et les vieux jours (bon il a quand même 72 printemps), avec ses concerts « besf of « qui sont joués autour du monde depuis tant d’années, alors autant se faire un petit plaisir, allumer un pétard, prendre sa guitare, et faire tourner les bandes.

Et au final, on se retrouve avec un album superbement tranquille, pas hyper génial, mais qui s’incruste peu à peu, avec des mélodies et des harmonies qui renvoient vers les grandes années quand les Byrds inventaient le folk-rock et que CSN&Y se prenaient pour les Beatles américains, engueulades et séparations incluses.
On a souvent tendance à croire que Stills et Young sont les génies et que Nash et Crosby des faire-valoir dans les compositions et la musique du quatuor. Crosby n’est pas un grand guitariste, mais son talent harmonique, et son sens inné de l’écriture sont irremplaçables dans ce groupe.

Certes sa carrière solo est quasiment inexistante, peu de tournées, peu de disques, aussi il faut prendre cet album comme une carte postale envoyée de la côte Pacifique par un vieux pote discret, mais attachant et efficace.