On pourrait écrire un volume entier sur les super-groupes. Formations souvent éphémères car empoisonnées par l’égotisme sans bornes de leurs membres, elles auront tout de même eu le mérite de laisser, dans la plupart des cas, au moins un témoignage intemporel de leur génie. C’est le cas de « Déjà Vu », bijou signé David Crosby (Byrds), Stephen Stills (Buffalo Springfield), Graham Nash (The Hollies) et Neil Young (Buffalo Springfield et déjà quelques bons moments en solo). Enregistré entre octobre et décembre 1969, cet album est la consécration d’une collaboration qui avait commencé quelques temps plus tôt et dont le passage à Woodstock avait profondément marqué les esprits.

Certes, les protagonistes de ce projet faramineux sont tous d’incroyables musiciens. Mais toute l’affaire d’un disque estampillé C,S,N &Y, ce sont les voix. Le premier album du trio C,S & N avait été acclamé pour cette raison. Désormais, ce quatuor à peine né repousse les limites du sublime et enchaîne les pièces d’orfèvrerie, à commencer par le premier morceau. Véritable festival harmonique, mené par la guitare incisive de Stills, « Carry On » ouvre le bal avec un extraordinaire panache, montrant toute l’étendue du sens mélodique dont peut faire preuve le groupe.
Le morceau suivant, « Teach Your Children », composition de Nash, officie dans un style plus country et permet à l’ami de passage, Jerry Garcia, de se tailler une belle part avec de superbes parties de pedal steel guitar. Le leader du Grateful Dead est alors dans sa période bluegrass-country, sa participation est une véritable aubaine pour le groupe qui mise clairement sur leur image de musiciens baba cool entièrement acquis à la cause hippie. Car hippie, l’album l’est totalement, à l’image des véritables hymnes que sont « Almost Cut My Hair » (composé et chanté par Crosby et entièrement enregistré live) et surtout le fabuleux « Woodstock », chanson écrite pour le groupe par Joni Mitchell après qu’elle l'ai vu au fameux festival, et sans aucun doute le sommet de cet opus, déjà riche en morceaux d’anthologie.

Le travail de composition est réparti d’une manière équitable. Stills et Crosby signent respectivement les magnifiques « 4 + 20 » et « Déjà Vu », Nash n’est pas en reste avec « Our House », même si de manière générale, ses interventions sont moins marquantes. Quant à Neil Young, il se paye de luxe d’écrire deux morceaux de choix : « Helpless » et le medley « Country Girl », pièce à tiroirs absolument magnifique ou chacun s’en donne à cœur joie.
Le mixage de l’ensemble durera plusieurs mois, retardant sans cesse la sortie d’un LP dont le nombre de commandes dépasse déjà les deux millions…
Véritable album phare du mouvement hippie, « Déjà Vu » est certainement le plus grand disque de Crosby, Stills, Nash & Young et il y a fort à parier qu’ils ne feront jamais mieux. Quand à Neil Young, il poursuivra avec plus de succès sa carrière solo et rejoindra les trois autres de manière sporadique, mais plus rien de ce que le quatuor pourra faire ne sera à la hauteur de nos attentes.