En 2014, alors que pour d'obscures raisons, la finalisation de l'album Americana n'en finit pas de prendre du retard depuis 2007, voilà que John Payne et sa bande de mercenaires nous livrent un autre album studio totalement inattendu, probablement destiné à faire patienter le public en attendant qu'Americana soit définitivement prêt.
Car Recollections n'est évidemment pas un album de nouveau matériel inédit (ce qu'est censé être Americana), mais bel et bien un album de reprises de vieux standards du rock progressif, britannique de surcroît. Le sous-titre de l'album est d'ailleurs assez explicite : "A Tribute to British Prog". Diantre...

Recollections est un disque qui n'a absolument rien pour lui au premier abord : une pochette plutôt nulle (c'est quoi ces photos hideuses de Londres ?), un titre qui fait davantage penser à une réédition d'un album de Laurent Voulzy qu'à un nouveau disque d'ASIA, et enfin un contenu très contestable.
Car le concept même de cet album de reprises peut sembler franchement limité, si l'on met évidemment de côté les aspects un peu opportunistes de l'entreprise. Certes, ASIA était à l'origine un groupe qui se voulait l'héritier des formations progressives des années 1970, et son premier line-up classique en était l'incarnation évidente, comportant des membres de YES, de KING CRIMSON et d'EMERSON, LAKE & PALMER en son sein. Mais la musique pratiquée par ASIA relevait cependant plus du rock FM et de l'A.O.R. que du véritable rock progressif. Néanmoins, ASIA pratiquait un rock FM sous forte influence progressive et son répertoire marquait une nouvelle étape dans l'histoire de ce genre musical, en bien comme en mal diront certains, mais ce n'est pas le débat ici.
Il est donc fort peu étonnant que John Payne, chanteur officiel d'ASIA entre 1991 et 2006, ai désiré rendre hommage à ses propres influences progressives en publiant ces reprises sous le nom de sa version d'ASIA à lui.

Les reprises ici présentes sont issues de groupes relativement évidents au vu du parcours de John Payne : The MOODY BLUES ("I Know You're Out There Somewhere"), JETHRO TULL ("Locomotive Breath"), ALAN PARSON PROJECT ("Sirius" et "Eye In The Sky"), BARCLAY JAMES HARVEST ("Rock'n'Roll Star") et même CAMEL ("Highways Of The Sun")...
Cependant, la présence sur cet album de reprises de YES, de KING CRIMSON, de UK et d'E.L.P. par la version John Payne d'ASIA pourra quand même faire rigoler les connaisseurs de l'histoire du groupe. Car si le line-up "classique" d'ASIA (Wetton/Downes/Howe/Palmer) n'avait pas vraiment à rougir lorsqu'il reprenait ces chansons en concert à la fin des années 2000, puisque les 4 musiciens originaux d'ASIA ont tous fait partie de ces groupes, je doute cependant très fortement de la pertinence de telles reprises par ASIA featuring John PAYNE, dont aucun des membres n'a fait partie des groupes pré-cités. La démarche semble ainsi relever plus de l'opportunisme commercial que du véritable intérêt artistique...
Allez, concédons qu'il y a prescription pour "It Can Happen" de YES, puisque c'est une chanson du YES datée de l'époque Trevor Rabin, et cette version par le groupe de John Payne est plutôt sympa... Mais mis à part ce détail, quel était réellement l'intérêt de reprendre ENCORE ET TOUJOURS "In The Court Of The Crimson King", une chanson de la bande à Robert Fripp tellement revue et corrigée par de nombreux artistes qu'elle en devient franchement gonflante à la longue ?? D'autant que la version ici présente n'est pas extrêmement intéressante, il faut bien l'avouer...
Plus d'originalité dans le choix des reprises n'aurait donc vraiment pas été un trop gros effort.

Toute cette énumération de petits détails plutôt agaçants ne doit cependant pas masquer la réalité des faits, qui est qu'au final.... ben ce disque est quand même sympathique. Certes, ces reprises sont vraiment futiles et convenues, et l'amateur d'ASIA qui suit les (més)aventures de John Payne depuis plusieurs années ne verra pas sa frustration comblée par un tel album. Mais ces reprises sont tellement sincères et élégantes qu'on peut aisément passer outre et savourer sans complexe cet album somme toute relativement cool.
Disque assez inutile dans la carrière d'un groupe qui ne possède déjà pas à la base une discographie très sérieuse (si l'on exclut évidemment les albums d'ASIA de la période 1992-2006), Recollections est un disque hors-série et anecdotique, qui n'aura d'intérêt qu'aux yeux du passionné pur et dur.
Et hormis le rédacteur de cette chronique et quelques fondus éparpillés sur Terre (voir ailleurs dans l'Espace), je doute qu'il en existe suffisamment pour faire de cet album un disque incontournable...

Un gentil 2/5 donc, afin qu'AFJP poursuive ses efforts par la suite !