Toutes les interviews de Luke VIBERT tournent autour du même thème : APHEX TWIN. Il est sympa Richard D. James ? Il fait quoi là ? Il va bientôt sortir un album ? Pourquoi il a arrêté ? Vous êtes fâchés ? C’était comment le début des années 90 en Cornouailles ? Craignos, non ? Ah bon, pas craignos !? Mais sinon, c’est votre meilleur ami Richard ? Certains journalistes, un peu plus renseignés sur la bande qui gravitait (ô imparfait douloureux) autour du label Rephlex, tentent une variation : Squarepusher. Il est sympa Tom Jenkinson ?

Non, c’est un con. Et Richard D. James aussi. Il n’y a que Luke qui est gentil, fidèle parmi les fidèles, toujours au rendez-vous. On sent quand même poindre une certaine lassitude après toutes ces années : trois ans séparent Toomorrow, sorti sur Ninja Tune, et le présent Ridmik, édité par Hypercolour, un petit label britannique. J’en connais qui va bientôt aller rejoindre ses amis cornouaillais au club des papas gâteaux de Redruth. Ne nous laisse pas tout seuls, Luke…

Ridmik n’est pas une surprise. C’est de l’acid house sans prétention, tranquille, idéale pour une après-midi barbecue. La rave party est finie depuis longtemps. Il est d’ailleurs amusant de constater que l’émergence de la techno minimale a mis un coup d’arrêt aux expérimentations rythmiques tarabiscotées des années 90 et 2000. En électro aussi, ce sont toujours les Allemands qui gagnent à la fin… Alors pour apprécier Ridmik, c’est simple, on plie son short kaki, on range sa sagaie, on sort un polo trop cher qui suggère vaguement les couleurs de son club de foot préféré, et on se laisse bercer par cette acid house d’un autre temps.

La plupart des titres développent une atmosphère énigmatique nimbée de couinements synthétiques très années 90. Castlevania n’est pas loin ; il y a pire comme référence. Quelques morceaux sortent du lot, comme « Overstand Me », mise en musique d’une cuite extraterrestre. Trois heures du matin, le Dalek se verse un septième Mojito. Il tournoie sur sa base pneumatique, complètement ivre, son œil unique clignotant au rythme des bips-bips synthétiques. « EXTEEEeeeEEEeerminaaa… bleurp ». La boîte à rythmes s’énerve un peu sur « CS303 », avec des nappes de synthés visqueuses à souhait. La nostalgie a parfois du bon…

Etonnamment, le meilleur titre de l’album est un morceau de house tout bête, « Acage », avec un sample de voix entêtant. Un titre que n’auraient pas renié certains DJ français comme AGORIA, spécialistes de ce genre de mixes synthés vaporeux/voix lancinante. Comme quoi, dévier de ses vieilles recettes acides fait parfois un bien fou. Cette affirmation exclue évidemment CEEPHAX, qui peut continuer à martyriser sa TB-303 jusqu’en 2100, c’est pour ça qu’on l’aime.

Luke Vibert n’avait sans doute pas la prétention de sortir l’album de l’année, ni de révolutionner la musique électronique. Une fois dans une vie, ça suffit amplement. Ridmik s’adresse uniquement à ceux qui conservent un penchant coupable pour l’acid house dans sa forme la plus épurée. Il doit bien en rester deux ou trois…