Qui a dit que musique et art contemporain ne peuvent pas faire bon ménage ?
Alors que l'on donne au second une dimension purement visuelle, voire tactile, l'aspect sonore passe pour purement bruitiste, anti-mélodieux au possible. Pour faire expérimental, il faut faire dissonant, conceptuel, inaccessible au possible, sinon le son ne servirait que d'illustration à une oeuvre contemporaine. Et la musique illustrative, c'est trop mainstream, tu voââs !

Richard Long est un artiste contemporain et figure majeure du Land Art, un mouvement qui utilise la nature comme oeuvre d'art à part entière. En assemblant des pierres dans un désert, odans un champs ou à flanc de montagne, il peut créer de gigantesques dessins alliant poésie et mystère. Pour le musée d'Art Moderne de Austin (Texas), c'est la glace qui devient son élément de travail. Ou du moins une imitation de la glace d'après ce que j'ai pu trouver comme information. Dans une vaste pièce, des imitations réduites d'icebergs sont installées, toutes brillant d'une lumière bleue turquoise typique des majestueux glaciers du grand nord.

Cette installation intitulée "Catalin" ne fait pas que se regarder, elle s'écoute. Et c'est là que la musique intervient avec Matthew Cooper, alias ELUVIUM. Le petit prodige de l'ambient américain apporte une atmosphère vouée à renforcer le message des œuvres de Richard Long. Deux longues pièces de 19 minutes et 27 secondes chacune, répétées en loop dans les deux salles de l'exposition. Les effets de lumières nous plongent dans l'univers sous-marin, nageant le long des parties immergées des icebergs. Les deux titres sont très minimalistes à souhait, ne présentant guère de variations. "Memory Print Boutique" fait davantage référence au monde sous marin, comme une mer paisible et froide, ou ne flottent que quelques morceaux de glace. "Welcome Homes / Ceaseless Sea" est plus aérienne, retranscrivant les immensités blanches battues par les vents. On retrouve ces claviers saturés typés shoegaze, propre à ELUVIUM.

Il est évident qu'en dehors des espaces pour lesquels ils ont été composés, ces morceaux n'ont plus la même force, le même attrait. C'est la faiblesse de cette "musique illustrative". Néanmoins, la beauté minimaliste de ces deux longues pistes fait un certain effet, apaisant et rêveur. Catalin est un beau disque rare, limité à quelques centaines d'exemplaires disponibles lors de l'exposition de Richard Long. Il serait dommage de ne pas se laisser tenter par ce voyage au moins une fois.