La musique d'Arman Méliès, tellement pure mais sinueuse s'apparente à un rêve.
Une fois l'orage passé, chaque phrase, chaque refrain, chaque soupir – car c'est une musique du soupir, de l'épuisement – revient nous envahir inéluctablement.
Sa beauté résulte d'une curieuse danse des contraires où se heurtent avec douceur une voix à la candeur envoûtante et le symbolisme parfois abscons des paroles qu'elle murmure, paroles dont la dimension poétique et onirique sans limites fascine et inquiète.

Au commencement, la défiance se fait sentir.
A la fois légère et pesante, l'atmosphère de l'album semble a priori relever du bricolage quelque peu maladroit d'un artiste talentueux qui, s'il sait où il doit aller, ignore le moyen pour y parvenir.
De cette ambition indécise résulte un alliage quelque peu effrayant par son austérité et par le dévouement qu'il exige, mais dès lors que l'on consent à s'y soumettre, difficile de faire demi-tour.
Il s'agit de respecter les règles d'un jeu encore inconnu et même si on est sûr d'en sortir perdant, on est certain d'y sortir conquis.
Un goût du risque pour une musique insolente, insondable. Lorsque l'on a compris cela, on a saisi le titre du disque.
Une énigme en moins.

Méliès chante l'amour d'une étrange façon et à chaque mot, c'est l'ombre et le souffle d'une muse écorchée qui se dessine et s'élève pour sublimer les intonations si fragiles du chanteur.
Tout ici n'est que souvenirs, regrets, promesses et poussières amoureuses.
C'est le soleil timide après la pluie, la sueur après l'orgasme si loin et pourtant si proche, l'ennui après l'envie, les vestiges des battements du cœur.
La frontière est mince entre illusion et désillusion mais ce dernier continuera toujours de battre après l'amour, et l'on pourra inlassablement soupirer de malheur peut-être, de bonheur sûrement.

Voilà ce qu'il faut retenir de cette œuvre parfois austère qui agonise sur une longue tirade jouée à la trompette d'une beauté renversante.
Méliès est un artiste à part dans le paysage musical français. Encore inconnu du grand public, ce poète hybride et solitaire continue d'inonder de son talent et de sa sensibilité les oreilles de quelques initiés qui comme lui, sont amoureux de l'amour et des mots.
Dans le clip génial de « Mon plus bel incendie », on le voit s'offrir les services un tueur à gages afin de se débarrasser de Biolay, Doré, Daft Punk et consorts.
Idée de génie révélatrice d'un être qui se plaît à briller dans l'ombre, pour ceux qui veulent bien le voir et l'écouter...

Le jeu en vaut la chandelle.