Recherche avancée       Liste groupes



      
JAZZ/KLEZMER  |  STUDIO

L' auteur
Acheter Cet Album
 

 

- Style + Membre : John Zorn
 

 Zebrina (551)
 Tzadik (1217)
 Le Zornographe (537)

ZEBRINA - Hamidbar Medaber (2014)
Par TEEMO le 6 Octobre 2014          Consultée 1709 fois

L'idée de coupler le jazz à d'autres genres qui n'ont, de prime abord rien en commun, a été maintes fois exploitée ces dernières décennies. Le jazz-funk de Hancock, le jazz-rock de Frank Zappa, l'acid-jazz de Jamiroquai, le latin jazz d'Enrico Pieranunzi (1), etc. Mais si l'on devait citer un croisement fort peu répandu, il faudrait évoquer celui entre le jazz moderne et le klezmer, la musique juive traditionnelle. John Zorn est clairement l'un des initiateurs de cet habile mélange, via notamment son projet Masada, ayant aujourd'hui pris une ampleur conséquente. C'est d'ailleurs ce projet qui a poussé le Canadien Jonathan Feldman à fonder le groupe Zebrina. Ce nom charmant provient d'une jolie plante à la teinte souvent violacée portant aussi le sobriquet de « juif errant ».

Le fil rouge de l'album est le clarinettiste Ben Goldberg, membre éminent de la grande famille Zorn et musicien à la réputation bien assise. La clarinette, c'est évidemment l'instrument phare du klezmer. Tout au long de l’œuvre, il nous mène du bout des lèvres à travers les compositions fabuleuses de Feldman, tel l'homme de vigie guidant le capitaine d'un navire. Que ce soit sur le mid-tempo « Revolution in My Mind », ou sur « Freedom Groove », où il utilise sa clarinette contralto (dont le son est incroyablement grave), ses mélodies font toujours preuve d'une grâce de chant d'oiseau. Il a vraiment une manière de donner vie à son instrument...
« The Guru's Advice » est un titre dont l'introduction étonnante révèle l'aspect avant-gardiste du jeu de Goldberg. Cette pièce quasiment écrite pour clarinette solo, met en avant le masque tragique voire plaintif que le klezmer peut revêtir.

Mais que serait un bateau sans un équipage solide et fiable ? Senitt et Medrano font un travail remarquable à la percussion. Le jeu du batteur est complexe et riche. Il exploite pleinement la large palette d'ambiances dont il dispose, en proposant des atmosphères parfois pesantes (« The Spirit-Within »), et parfois explosives. Citons « Freedom Groove », où il s'adonne à une improvisation incandescente continue. Juan Carlos Medrano, quant à lui, insuffle juste ce qu'il faut de percussion pour renforcer l'exotisme des compositions.

Joel Schwartz semble s'inspirer de Jon Madof, le génial guitariste à l'origine du super-groupe Zion80 et du trio Rashanim. Leur point commun repose sur ce son crunchy qui colore le jazz avec une dose de rock bienvenue ! Toutefois, Schwartz a plus d'un tour dans son sac. La pièce « The Desert Speaks » prend toute sa dimension lors qu’entrent en scène les grognements grinçants du dobro. Le titre est particulièrement bien choisi : le désert exprime tout son courroux, d'abord sur un ton calme mais pesant, pour peu à peu emprunter un tempérament carrément furieux et assommant.

« Higher Power » fait clairement référence à l'aspect festif du klezmer, avec son ouverture détonante, son thème élégant, mais surtout son refrain dansant et généreux ! Toujours fidèle au jazz, le morceau décolle aussitôt les thèmes annoncés. Une sorte de free jazz soft où chacun est libre de s'y donner à cœur joie, le tout dans une harmonie phénoménale. Pendant un court instant, la progression d'accords initiale est subrepticement rappelée à l'auditeur, comme pour le ramener en terrain connu.... mais Joel Schwartz enchaîne aussitôt avec une improvisation au rythme crescendo, en partant pour arriver à un climax haletant.
Ce morceau prouve la complexité et l’ingéniosité de certaines structures. On discerne l'influence de Miles Davis dans la façon qu'il a d'user le modal (2) pour permettre à ses musiciens d'improviser librement.

Le rhodes de Feldman résonne dès les premières notes de « Chant of Ages ». On ressent d'emblée cette esthétique lourde et massive qui caractérise son son. L'exemple le plus parlant reste son entrée fracassante sur « The Desert Speaks ». On croirait entendre une basse ! Plus tard, sur « Breath of Life », il démarre avec une intro en solo de près de deux minutes. Un morceau aux multiples rebondissements mettant à l'honneur ses nombreuses qualités de jazzman. L'alternance rhodes/hammond au fil de l'album permet aussi de proposer un plus large spectre de couleurs musicales, ce qui n'est pas pour nous déplaire.

Le label Tzadik est une mine d'or quand on sait fouiller. Fort d'un éclectisme solide et sous la tutelle de son créateur, John Zorn, il permet à des jeunes formations d'être révélées au grand jour. Le premier opus de Zebrina, Trail of the Hunter-Gatherers, sorti en 2010, était passé un peu inaperçu. Sur Hamidbar Medaber (qui signifie "le désert parle" en hébreux), le talent des six musiciens fait surface de manière évidente, notamment au niveau des compositions. En prime, une pochette superbe signée Asli Alin, artiste canadien avec un style déjanté bien à lui. Sans oublier cette citation du Dalaï-Lama sur le livret !

Note réelle : 4,5/5

(1) Pieranunzi n'est pas du tout spécialiste du latin jazz. Pourquoi citer cet artiste ? Pour son album « Enrico Pieranunzi Latin Jazz Quintet - Live at Birdland », projet éphémère mais dont le rendu correspond à un fondu parfait entre jazz et musique latino.

(2) Le jazz modal repose sur un certain nombre de règles dont la principale consiste (grossièrement) à évoluer sur un nombre d'accords réduit. Il en résulte que les improvisateurs ne peuvent plus s'appuyer sur les changements d'accords pour enchaîner leurs phrasés, leur inventivité est donc mise à l'épreuve. En revanche, la contrainte de l'accompagnement étant levée, les possibilités d'improvisation sont décuplées !

A lire aussi en JAZZ par TEEMO :


Herbie HANCOCK
Takin' Off (1962)
Hancock prend son envol.




SNARKY PUPPY
Culcha Vulcha (2016)
Michael League et son art.


Marquez et partagez







 
   TEEMO

 
  N/A



- Jonathan Feldman (rhodes, wurlitzer, hammond)
- Ben Goldberg (clarinettes)
- Joel Schwartz (guitare électrique, dobro)
- Bret Higgins (basse)
- Max Senitt (batterie)
- Juan Carlos Medrano (percussion)


1. Chant Of Ages
2. Revolution In My Mind
3. The Spirit Within
4. The Desert Speaks
5. Higher Power
6. Breath Of Life
7. The Guru's Advice
8. Freedom Groove



             



1999 - 2024 © Nightfall.fr V5.0_Slider - Comment Soutenir Nightfall ? - Nous contacter - Webdesign : Inox Prod