Un soir, il y a un mois environ, dans une rue, j'entendais des gens à une terrasse de restaurant chanter gaiement «Désir, Désir» de Laurent Voulzy et Véronique Jannot. Je me suis dit en souriant «Ah tiens ! C'est pas sa plus connue, et elle commence à dater...». Le dimanche suivant, j'ai le même sentiment en croisant un couple qui fredonne «T'en va pas», plus gros tube d'Elsa Lunghini certes, mais quand même. Petite joie nostalgique, après les Génération Goldman, Bande à Renaud, etc. Un peu plus tard, je zappe un matin sur une chaîne musicale, et là je comprends...

Néanmoins, cette chronique ne sera pas celle du sempiternel «major bashing». On sait que le temps est à la sélection naturelle et pas qu'en musique, qu'un disque comme Les Enfants du top 50 est fait pour récolter des bénéfices aux dépens de la création, d'artistes qui mériteraient d'être mis davantage en lumière. Sans retourner sa veste et plutôt que d'employer l'aigreur, essayons de peser le pour et le contre. Il est plus simple de le faire pour ce disque, sans doute parce que celui-ci n'est pas axé sur un chanteur à l'aura sacrée (Renaud comme Goldman le sont chacun à leur manière), et que c'est l'occasion de redécouvrir des tubes autrement, ceux des années 80 en particulier.

Bien sûr, les contraintes sont ce qu'elles sont, un disque pop-folk comme c'est l'usage actuellement en France lorsqu'on ne tape pas dans le r'n'b autotuné ou la nostalgie de l'entre-guerres. Guitares acoustiques et mandolines ressortent évidemment, saupoudrées quand il le faut d'une touche africaine héritée des Christophe Maé et consorts, parti-pris systématique et facilement agaçant aux oreilles du mélomane (ici, d'abord sur «Elle a les yeux revolver»). Les chanteurs et chanteuses sont sujets pour la plupart aux tics variété dans leurs interprétations, mais on ne saurait utiliser l'argument du manque de caractère, lorsque l'on sait que Lara Fabian est de la partie.

Celle-ci se réserve d'ailleurs la reprise de Francis Lalanne en compagnie de Yoann Freget, fidèle et dont le traitement n'est qu'une actualisation sonore. On lui préfèrera celle du tube de Mecano, «Une femme avec une femme», où Lara Fabian pousse moins sur sa voix, mesure appréciable même si on repassera pour l'audace. Même chose pour «Ils s'aiment» de Daniel Lavoie, interprétée par Brice Conrad, sincère mais un brin frustrante, demandez au guitariste. Logiquement, Zaz fait baigner «Petite Marie» dans un registre jazz, mais niveau tics, on ne saurait faire mieux là encore...

En revanche, côté chanteuses, certaines tirent leur épingle du jeu, à commencer par Maude dont la version guitare-voix jazz-bossa de «Ouragan» reste fort jolie. On retient également les efforts respectifs et pourtant simples d'Elisa Tovati et de Joyce Jonathan, dans un registre pop-folk agréable, un univers familier pour elles qui possèdent de belles voix claires. Parmi les hommes, seul Grégoire marque réellement grâce au «Coup de Soleil» de Richard Cocciante, bel exemple de sobriété, assez proche des oeuvres de Julien Clerc et jusque dans le chant.

«La groupie du pianiste» par Judith rend hommage à l'esprit léger et groovy de Michel Berger, toutes proportions gardées et de manière sympathique. Elle est garnie de cuivres, comme la version blues-variété du «Tandem» de Vanessa Paradis par Natasha St-Pier, tentative d'arrangement la plus louable de l'ensemble (avec «Ouragan») par l'une des meilleures «chanteuses à voix» canadiennes des années 90. Selon la coutume, plusieurs de ces interprètes se retrouvent pour un morceau collectif, ici le fameux «Désir, Désir», pas inoubliable mais frais et quand même dynamisé par un changement de rythme.

Le nom du projet prend une identité ouvertement populaire, quitte à subir les railleries. La sélection puise dans le connu et le moins connu, alternant la bonne surprise et le dispensable. Encore un disque à la fois pour les nostalgiques et pour les jeunes avec une volonté de rassembler, qui a cependant le mérite d'être un peu plus authentique et réussi dans ses choix d'intervenants et de versions, pour moitié en tout cas.