Oui évidemment, la légitimité du nom "Hawklords" utilisé par Harvey Bainbridge pour son nouveau groupe de space rock est l'objet de certains débats parmi les amateurs du genre (voir chroniques précédentes). Mais il n'empêche, on ne peut qu'être admiratif devant la régularité et l'application que mettent ces "nouveaux" HAWKLORDS pour étoffer leur répertoire et leur discographie, à l'heure où HAWKWIND, le vaisseau-mère, semble plus que jamais en perte de vitesse (et d'inspiration) dans les limbes de l'Espace.
Censored donc, ou bien le troisième album de cette nouvelle version des HAWKLORDS de 1978, qui n'a humainement plus grand chose à voir avec son illustre ancêtre hormis la seule présence de Harvey Bainbridge, unique rescapé de l'album 25 Years On, auquel on ajoutera quelques musiciens ayant participé à l'aventure HAWKWIND en d'autres époques, tels que le bassiste Adrian Shaw. Vous suivez toujours ?

Ce troisième effort des HAWKLORDS "nouvelle génération" possède une tracklist un peu plus fournie que celle de son prédécesseur Dream (2012), et on constate au passage que tous les titres ont une durée supérieure à 3 minutes. Les HAWKLORDS semblent donc plus que jamais en forme, et l'inspiration est au rendez vous puisque Censored se révèle être un concept album, consacré à la liberté de la presse et au contrôle des médias par les puissants. Des thèmes assez éloignés du space rock je vous l'accorde, mais qui prennent tout leur sens quand on sait que le projet HAWKLORDS de 1978 lorgnait dès les origines sur des thèmes plus contemporains que le futurisme kitsch habituellement de mise chez HAWKWIND.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est que les hostilités musicales commencent de façon très convaincante, avec un "State Of Emergency" punk à souhait, mâtiné de sonorités électroniques un peu perturbantes. L'ambiance est posée, et les HAWKLORDS n'ont pas envie de rire.

Les moments de recueillement spatiaux sont heureusement toujours là, preuves du grand savoir faire de Harvey Bainbridge. "Forever" et ses guitares planantes sur fonds de synthétiseurs nous font ainsi voyager par dessus les plus infinies galaxies du Cosmos. "Soma", titre très influencé par les travaux de VANGELIS, en fera tout autant. La bande à Bainbridge continue de distiller toute sa science sur "The Well Of Forever", titre final de l'album, qui rappelle les meilleurs moments des opus des années 1980 de la bande à Dave Brock. Des références à HAWKWIND, il y en a évidemment tout un paquet sur ce troisième album. "Damned", à mi chemin entre le space rock psychédélique du début des années 1970 et celui, plus teinté de hard rock, de la période 1980-1988, en est un bel exemple.
"Sonic Seven Kiss", premier titre de Censored à avoir été diffusé sur le Net, est incontestablement l'un des meilleurs moments de cet album. Voir même peut être de toute l'histoire du space rock actuel ! Les HAWKLORDS nous y délivrent un rock spatial hallucinant de maîtrise, sous haute perfusion punk mais toujours dépositaire de la tradition initiée par HAWKWIND en 1970. C'est incroyable de parvenir encore à ce niveau de perfection en 2014. Quelques titres sentent quand même un peu le remplissage, comme par exemple "It's What You Wanted" ou bien "Upside Down Man"... Mais les dégats sur la solidité de l'album ne sont pas trop déplorables.

La voix new wave de Ron Tree n'est pas toujours très convaincante, et c'est peut être même l'un des points faibles du groupe depuis les origines. Mais on sent le bonhomme inspiré et désireux de bien faire dans son rôle de prédicateur galactique. L'hommage vocal au regretté Robert Calvert est toujours de mise, tant dans les intonations que dans la performance. "Inducted", poésie déclamée sur fond de diverses nappes synthétiques, l'illustre ainsi parfaitement. Ron Tree s'impose toutefois davantage sur "Starstruck", ballade acoustique saupoudrée d'effets synthétiques très réussis. "Catwalk Chic" semble pour sa part s'inspirer de la new wave encore fortement teintée de punk de la fin des années 1970. Pour le coup, la filiation avec les quatre albums de la période Calvert de HAWKWIND est ici plus qu'évidente.

Plus que jamais marqués ici par l'empreinte du punk, les HAWKLORDS nous livrent avec Censored un album très agressif, qui ne renie évidemment pas ses origines space rock mais qui durcie plus que jamais son propos. Incontestablement plus mature et plus abouti que les deux opus précédents, Censored nous démontre que la productivité acharnée de la petite équipe de Harvey Bainbridge a du bon !
Alors que le line-up "officiel" de HAWKWIND, toujours dirigé d'une main de fer par un Dave Brock à la santé chancellante, accumule les déceptions discographiques (Blood Of The Earth, Onward, Spacehawks...), les "Nouveaux" HAWKLORDS de Harvey Bainbridge remplissent efficacement leur rôle d'intérimaires de luxe en nous proposant un album que Dave Brock et Robert Calvert n'auraient assurément pas renié à la fin des années 1970.

Espérons que cette inspiration continue !

Note réelle : 3,5/5

Meilleurs titres : "Sonic Seven Kiss", "State Of Emergency", "Soma"