Si CELKILT est le gendre idéal, alors THE MOORINGS est le mauvais garçon, bardé de tatouages et balançant ses Gauloises sans filtre par la vitre ouverte de sa vieille 204 Peugeot. Il y a, dans l'image dégagée par ces 5 petits gars (et fille) de Sélestat toute l'imagerie du rock / folk irlandais empreint de houblon et d'embruns. Dans un pub de fond de quai, dans la cale d'un vieux rafiot, la musique du jeune groupe transpire des dessous de bras et sent le varech. Auteur d'un premier EP très réussi en 2011, le groupe a depuis ouvert pour les Dropkick Murphys, dont il s'inspire fortement, les Fiddler's Green, et a tourné avec les Paddy and The Rats, tout en proposant un opus live enregistré à la Cigale. Une progression franche et rapide donc, qui se poursuit avec un deuxième EP dont le visuel s'éloigne fort des "codes" graphiques inhérents au style musical pratiqué.

Et pourtant, "Nicky's Detox" n'est rien d'autre qu'une fort sympathique collection de titres rock celtique à tendance folk et / ou punk, gras et à l'haleine chargée, qui confirme tout le talent des MOORINGS. Il y a du violon, du banjo, de l'accordéon et de la scie musicale, qui viennent avec réussite se greffer sur des sonorités électriques rugueuses et énergiques ainsi que sur une section rythmique frénétique, proche évidemment des sonorités punk des Dropkick, mais aussi de celles plus bariolées des Stanfields ou des Rumjacks. Coïncidence (ou pas), le chanteur du groupe australien précité vient pousser sa beuglante sur "Shandon bells", morceau parfait d'efficacité et de concision, qui devrait frapper fort en live.

C'est néanmoins lorsqu'il a recours a sa spécificité culturelle que The MOORINGS se fait vraiment brillant. A la manière des Québécois de Bodh'aktan, le groupe parvient en effet à marier rock / folk celtique et chant en français. Sur l'imparable "Encore", porté par un accordéon entraînant et des choeurs fédérateurs, le chanteur D.Phil Jelly nous embarque bras-dessus bras-dessous, dans une danse du houblon véritablement délicieuse. De même, "Marie d'la madeleine", dotée d'une facette sociale sous-jacente, et sans doute le refrain le plus marquant de l'année en la matière, malgré une concurrence féroce. De la belle ouvrage !

Reste donc cette frustration générée par le format EP. Là où on aimerait une douzaine de compositions du même acabit, les MOORINGS nous retirent le pain de la bouche après 5 morceaux, dont un court instrumental final. Si le talent est là, et bien là, reste donc à le confirmer avec une sortie "grand format" digne du rang d'un groupe que l'on espère voir rapidement au niveau de notoriété des CELKILT ou des BLACK TARTAN CLAN. Vivement la suite !