Avec une régularité qui fait bien plaisir à voir, le duo franco-suédois THE DØ sort en 2014 son troisième album. Avec ce que proposaient A Mouthful et Both Ways Open Jaws, il était légitime de s'attendre à ce qu'Olivia Bouyssou Merilahti et Dan Levy livrent un opus réussi. Mais la plus grosse surprise est arrivée avec la sortie du premier single promotionnel, "Keep You Lips Sealed". « Mais que viennent donc faire ces arrangements électroniques chez THE DØ ? », telle a pu être la première réaction de certains fans du groupe. S'agirait-il cependant d'une exception dans Shake Shook Shaken ?

Que nenni, THE DØ a semble-t-il rangé les guitares et la batterie acoustique dans la cave, et en avant les synthés et la BAR pour l'univers à la fois riche et dangereux de l'électro pop. Mais que l'on se rassure, ce gros changement de cap pour le 3e albums de Merilahti et Levy ne débouche pas sur une musique plus faible ou moins excitante. Le songwriting est toujours le même, ce n'est pas demain la veille, semble-t-il, que THE DØ va faiblir. "Keep You Lips Sealed" en est encore au moins la première preuve : au-delà de la surprise électro, cette chanson est assez simple, mais parvient à devenir une réussite, grâce à l'association d'un refrain à la fois simple et touchant et de couplets au chant dynamique et limite sautillant.

Quid du reste de l'album ? Pour être franc, rares sont les ratés. "Trustful Hands" fait un peu descendre l'engouement suscité par "Keep You Lips Sealed", qui ouvre l'album, et plus loin, "Lick my Wounds" possède et un refrain irritant, et des synthés un peu trop kitsch qui desservent la portée émotive du morceau. Sinon, que du bon ma bonne dame. THE DØ sait manier ses instruments et son talent d'écriture afin d'éviter les écueils trop nombreux qui ont hélas déjà fait trop de victimes. En particulier, l'enchainement entre ces deux chansons est tout simplement grand. "Going Through Walls" peut remporter les suffrages en matière de chanson entrainante et redoutable, tout comme "Despair, Hangover & Ecstasy", tout de même un peu mou. "Sparks", pour sa part, ne joue pas la carte de l'originalité mais s'en sort grâce à une émotion à fleur de peau au niveau du chant, qui ne verse pas dans un pathos dégoulinant de mièvre, tout comme les « balades » "A Mess Like This" et "Anita No!", calmes et minimales (sauf sur le refrain pour cette dernière). La fin de Shake Shook rattrape quelque peu le petit ventre mou formé par "Lick my Wounds" et "Opposite Ways", avec "Nature will Remain", vraie-fausse conclusion où Merilahti en fait cette fois un peu trop au refrain, et "Omen", instrumental un peu expérimental, mais pas désagréable pour autant.

THE DØ réussit l'épreuve du troisième album avec brio. Une fois passée la surprise du changement de cap, impossible de ne pas aimer Shake Shook Shaken dès lors qu'on possède des accointances avec la pop et/ou le groupe. De plus, le duo réduit de plus en plus ses albums, comme s'il parvenait à être plus susceptible de les affiner en ne sortant pas un album à la longueur démesurée. Bien sûr, le manque d'originalité de la musique par moments peut faire grincer des dents, mais ce n'est pas bien grave dans le sens où même sans faire dans l'inédit, il est possible de faire quelque chose de grand. Shake Shook Shaken en est la preuve.