D'une guitare seule à un orchestre symphonique, il existe tout un spectre d'instrumentations et d'émotions. Autant d'éléments à explorer pour le musicien Pat O'MAY, qui revient sur le devant de la scène quasiment deux ans jour pour jour après un Celtic Wings qui a vu le guitariste rendre hommage à ses idoles, qu'ils s'appellent Alan Stivell, Gary Moore ou Ritchie Blackmore. A cet opus bariolé succède Behind The Pics, album rempli de compositions originales navigant en eaux rock / metal, teintées de sonorités celtiques et progressives.

Audacieux, Pat O'MAY fait preuve d'une ambition inédite. Fruit de son travail avec Alan Simon ? Toujours est-il que l'artiste ose voir grand, en collaborant par exemple avec l'Orchestre Symphonique de Sofia le temps de deux morceaux, l'introductif « On The Moor », et le délicat instrumental « Little Big Horn ». L'alchimie qui en résulte est d'une beauté bouleversante, tant et si bien que l'on aurait aimé voir cette rencontre cristallisée par un album complet. Une idée à creuser, tant le guitariste semble inspiré par ce challenge.

L'essentiel de l'opus repose néanmoins sur les riffs mordants de la guitare du plus celtique des Normands. Remettant au goût du jour son passé métallique (le bonhomme a fait partie du groupe hard rock Marienthal), Pat O'MAY propose quelques brûlots d'une agressivité surprenante, à commencer par le rageur « No religion », dont le riff d'une efficacité redoutable tranche sérieusement avec la relative sophistication du morceau introductif. Le rock est donc bien là, présent, indissociable de la guitare du virtuose qui tient à proposer de véritables morceaux plus que des démonstrations techniques vides de sens.

Le plus souvent, le rock de Pat se fait teinté d'ambiances folk ou progressives, parfaitement adaptées au timbre du chanteur James Wood (lui-aussi étroit collaborateur d'Alan Simon), à la fois délicat et aérien. Les sonorités celtiques, quant à elles, sont évoquées par des ambiances plus que par des instruments. « My mate », sans doute le titre le plus marquant, évoque la lande irlandaise, la guitare acoustique laissant peu à peu la place à la distorsion pour notre plus grand plaisir. Doté d'une progression hypnotisante, le morceau s'étale sur quasiment six minutes, offrant des lignes de guitare aériennes ou telluriques, et des mélodies éblouissantes.

C'est bien dans ce genre d'exercice que Pat semble le plus convaincant. Car, désireux, d'expérimenter, l'artiste commet également quelques impairs peu dommageables. Le plus marquant d'entre eux reste « We can dance », titre aux sonorités prog' très prononcées, dont le refrain pourtant très inspiré ne parvient pas à masquer des couplets fort peu inspirés. De même, la fin d'album peine à séduire pleinement, la faute à trois morceaux peu ou prou identiques, qui auraient mérité un meilleur traitement des ambiances.

Tout cela reste néanmoins d'un très bon niveau. Virtuose à qui on ne la fait plus, Pat se met au service de ses morceaux, proposant une douzaine de titres que l'on pourrait, pour les profanes, rapprocher dans sa démarche d'un Excalibur « burné ». Influences prog et celtiques inondent de leur classe ce rock « hard » qui ne souffre que de quelques faiblesses bien pardonnables. Moins flamboyant que Celtic Wings, Behind The Pics est une évolution logique dans la carrière du musicien, seul sur son créneau.