Rassurés par le succès critique et public de L'atelier, Gaëtan Roussel et Arnaud Samuel ne tardent pas à composer le second chapitre des aventures de TARMAC. LOUISE ATTAQUE toujours en sommeil (Robin Feix et Alexandre Margraff s'amusent alors de leur côté avec Ali Dragon), les deux artistes proposent en 2003 l'album Notre Époque, qui pousse encore plus loin que son prédécesseurs les velléités expérimentales du duo.

Cette récréation créative qu'est TARMAC reste ancrée dans une base folk, qui voit néanmoins le violon se faire très discret, laissant place à des ambiances rock ou électroniques (les « scratch » de « Ces moments-là). L'ensemble se fait porteur d'ambiances lancinantes et mélancolico-tristes, désabusées (« Notre époque résonne comme une porte close... »). Et puis, le tout se voit mâtiné d'arrangements jazzy (cette basse ronde de « Chaque ville ») ou proches de ceux de la world-music, les couleurs hispanisantes étant nombreuses, tant au niveau du chant (« Volar », « Je cherche ») que de l'utilisation des cuivres, dont la trompette. L'ensemble est érudit, très littéraire (Gaëtan Roussel cite Walt Whitman ou Fernando Pessoa), et relativement exigeant.

Les mélodies, si certaines peuvent sembler évidentes et faciles d'accès, sont également alambiquées et peu évidentes au premier abord. Bien sûr, le mélange réussi entre piano et guitare acoustique sur « Je cherche » donne naissance à un titre immédiatement appréciable, de part sa délicatesse et et son immédiateté. Mais Notre Epoque est un album « passif », qui demande à l'auditeur d'aller chercher et creuser pour en dégager les contours et en apprécier le contenu. Au contraire de la musique de Louise Attaque, frontale et brute, TARMAC se fait tout en nuances. Le violon, lorsqu'il se laisse entendre, est torturé (« Chaque ville ») et ne fait que rendre l'ensemble plus complexe. Pour autant, le duo fait ici preuve d'un sens de la composition qui laisse admiratif. Constante, l'ambiance relativement sombre enveloppe l'auditeur pour ne plus le laisser s'enfuir avant la dernière note. Si le chant si particulier de Gaëtan Roussel se fait envoûtant, les titres instrumentaux ne sont pas en reste et constituent de sympathiques interludes (« Du velour », « Tout à côté »).

On peine à donner néanmoins à cet album le même crédit que L'atelier, qui se faisait preuve d'une demi-mesure plus appréciables, offrant quelques portes de sortie lumineuses et mélodiques qui participaient à son impact direct. Notre Époque fait quelque peu retomber le soufflet, et l'on finit par se raccrocher à une bonne moitié de titres inspirés, quitte à laisser de côté ces quelques expérimentations moins heureuses. « La lune », lancinante et répétitive, peine ainsi à accrocher l'oreille, tout comme « Post Scriptum », qui propose pourtant une ambiance délicate à creuser.

Un peu moins bon que son prédécesseur, ce deuxième (et probablement dernier) album de TARMAC reste gorgé de compositions audacieuses, s'éloignant de l'identité la plus brute de Louise Attaque pour voguer dans des eaux folk-rock bariolées et novatrices. On accroche (ou pas), mais il est évident que l'on ne peut rester indifférent.