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Domenico SCARLATTI - Sonates Pour Clavecin 1 (hantai) (2002)
Par CHIPSTOUILLE le 24 Avril 2015          Consultée 1610 fois

Attendez attendez ! Ne partez pas ! Oui je sais, vous avez cliqué par erreur, vous venez de comprendre « pour clavecin », ça vient de faire tilt. Ouch hein… des compositions pour clavecin uniquement, il fallait oser. Le clavecin, c’est fou quand on y repense un engin pareil, "cling cling cling" super fort et sans la moindre variation de volume. C’est qu’il ne fait pas que « Ancien Régime », cet instrument, il était avant tout prévu pour l’accompagnement, une sorte d’alternative aux théorbes et autres luths, plus sonore, plus facile à jouer probablement, étant donné le clavier. Quelques compositeurs ont tout de même, les fous, probablement pour les vertus harmoniques que présente un clavier et la commodité d’usage en tout lieu (comparativement à l’orgue), composé pour cet instrument. Le XXème siècle aura tôt fait de transposer pour orgue, pianoforte voir piano tout court les différentes œuvres pour clavecin. Personne, dans la vague d’authenticité qui a pris « les baroqueux » au cours de années 70, n’a réellement voulu reprendre les sonates pour clavecin telles qu’elles. Et, contrairement aux chalémies, psaltérions et vielles à roues qui possèdent leur charme médiéval, le clavecin sonne irrémédiablement désuet.

Il existe peut-être, entre tous, un compositeur qui fait exception. Domenico SCARLATTI n’aura semble-t-il pas autant influencé ses contemporains que son père Allessandro (1), mais il est artiste d’exception. Si HAYDN, quelques décennies plus tard, dira devoir avoir été original pour s’être « éloigné de tout » dans la campagne Hongroise, la chose est d’autant plus vraie pour SCARLATTI. En effet, après quelques années passées à Lisbonne, il émigrera en Espagne, tout d’abord à Séville, (où le Flamenco apparaît également au cours du XVIIIe), et enfin Madrid.

Et oui, l’Espagne ! On n’en parle jamais en musique classique. Tout au plus savez-vous que le fameux castrat Farinelli y finira sa carrière (2), peut-être avez-vous entendu parler d’un certain BOCCHERINI qui lui aussi passa quelques années en Espagne. Mais en dehors de quelques italiens égarés… rien ?
Curieux phénomène que cette musique classique qui se veut européenne, mais se sera finalement presque interdite à certaines contrées.

SCARLATTI donc, est avant tout connu pour ses 555 sonates pour clavecin, dont quelques unes (18) ont été choisies pour ce disque. Un clavecin unique, dont on remarque d’emblée les fondations italiennes de ses lignes mélodiques. Malgré tout, SCARLATTI incarné ici par Pierre Hantai, après nous avoir éblouis par ses prouesses techniques, presque étourdissantes, parvient régulièrement à piquer notre intérêt au plus vif. C’est italien, c’est baroque, mais pas que. Là est toute la différence chez SCARLATTI. Car, à notre plus grande surprise, il s’évade. Soit dans des lignes machistes, saccadées, parfois bruitistes, proposant une musique bourrée de testostérone et rappelant bien évidemment les musiques traditionnelles de la péninsule ibérique. Soit, et c’est peut-être ce qui étonnera le plus, dans des dissonances hallucinées, où SCARLATTI survole son clavecin comme épris de spasmes. A part quelques très rares impolitesses chez certains contemporains (3), rien ne ressemble à ces sonates pour clavecin au cours du XVIIIe siècle, et c’est bien chez STRAVINSKY qu’il faudra attendre une audace égale.

Reste que malgré ses fulgurances et cette originalité, ce clavecin bruitiste reste néanmoins au cœur de nos préoccupations. Pierre Hantai s’est employé au mieux à varier les plaisirs, proposant des sonates de tempi différents, avec des ambiances marquées. Mon conseil, pour les curieux, portera sur la sonate K299 qui se révèle peut-être plus accessible pour les néophytes, avec sa mélodie entraînante, véritable respiration qui ressort du chaos. Non ? Tentez la K162, plus posée mais vicieusement tourmentée pour voir ? (Une pensée émue, à l’instant, pour mes chers voisins qui, entre ARCH ENEMY, EMPEROR, TOTAL ECLIPSE, et ça, doivent probablement me détester). Richard D. James (APHEX TWIN, AFX…) précise lui-même être influencé par SCARLATTI, ce qui compte tenu de l’exubérance et des délires bruitistes que les deux partagent, ne me parait être une affirmation dénuée de sens.

Ma conclusion sera mi-figue, mi-raisin. Il faut avoir écouté SCARLATTI ne serait-ce qu’une fois dans sa vie, pour savoir. Nul doute que ses sonates sont suffisamment riches pour susciter des passions. On gardera en tête que le disque du jour n’est cependant qu’une compilation, sans direction précise, un peu trop longue, avec l’idée bien ferme d’en faire des suites. Voyez ce (4) disque de sonates de SCARLATTI comme le « tant pis si j’en crève » du Black Dog (un restaurant Argentin typé métal sur Paris) : 1 kg de viande de bœuf. Bien qu’on n'en arrive au bout que dans la douleur, le plaisir est bel et bien réel.

(1) Allessandro SCARLATTI a plus ou moins « inventé » le style du « haut-baroque » italien, et a donc très fortement influencé CORELLI puis VIVALDI, ALBINONI et tant d’autres, voir même HAENDEL.
(2) Ou peut-être pas ? Pour les amateurs de littérature fantastique, je leur conseille le premier tome du Voleur de voix, sous titré « Le castrat et les rois fous », par Jean-Nicolas Vachon. Je précise tout de même que le second tome m’a beaucoup moins emballé.
(3) Je citerai la Stravaganza, Opus n°4 des concertos pour violon de VIVALDI qui tente également des choses audacieuses pour l’époque, mais surtout le chaos introductif de la Création de Joseph HAYDN.
(4) Celui-ci ou n’importe quel autre, le problème reste entier. 1h de clavecin, c’est plus que ne peuvent en subir vos oreilles.

A lire aussi en MUSIQUE CLASSIQUE par CHIPSTOUILLE :


Michael HAYDN
Requiem Ou Missa Pro Defuncto Archiepisco Mh 155 (zacharias) (1771)
Et resurrexit.




Joseph HAYDN
Concerto Pour Clavier N°11 (staier, Von Der Goltz) (1780)
Marzipan et paprika.


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   CHIPSTOUILLE

 
  N/A



- Pierre Hantai (clavecin)


1. Sonate Pour Clavecin En Ré Majeur, K 535
2. Sonate Pour Clavecin En La Mineur, K 3
3. Sonate Pour Clavecin En La Mineur, K 175
4. Sonate Pour Clavecin En La Majeur, K 208
5. Sonate Pour Clavecin En La Mineur, K 54
6. Sonate Pour Clavecin En Fa Mineur, K 185
7. Sonate Pour Clavecin En Si Bémol Majeur, K 248
8. Sonate Pour Clavecin En Si Bémol Majeur, K 249
9. Sonate Pour Clavecin En Si Bémol Majeur, K 310
10. Sonate Pour Clavecin En Ré Majeur, K 299
11. Sonate Pour Clavecin En Ré Majeur, K 484
12. Sonate Pour Clavecin En Mi Majeur, K 162
13. Sonate Pour Clavecin En Ut Majeur, K 199
14. Sonate Pour Clavecin En Ré Majeur, K 145
15. Sonate Pour Clavecin En Ré Mineur, K 141
16. Sonate Pour Clavecin En Mi Majeur, K 531
17. Sonate Pour Clavecin En Ré Majeur, K 177
18. Sonate Pour Clavecin En Ré Majeur, K 492



             



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