Dans le genre retour improbable, un nouvel album de BABY CHAOS se pose un peu là.

Petit rappel historique. 1994 : les écossais de BABY CHAOS déboulent en pleine britpop pour foutre un petit boxon salutaire, un peu comme THERAPY? Pratiquant une musique difficile à classer (pop? rock? punk? noise?), ils livrent avec Safe Sex Designer Drugs And The Death Of Rock And Roll (ça c’est du titre !) un petit brûlot vivifiant et sacrément jouissif, alliant énergie, mélodie et son racé. Premier essai enthousiasmant, aussitôt suivi deux ans après par un album encore plus maîtrisé, l’inusable Love Your Self Abuse.

Puis c’est la tuile : le batteur doit jeter l’éponge pour cause de problèmes de santé. Chris GORDON - ici devant guitariste, chanteur et compositeur du groupe - part alors former DECKARD sur les cendres de BABY CHAOS, et sortira deux albums sous ce nom. Deux bons albums, mais on sent que quelque chose s’est cassé après le départ du batteur. Chris GORDON se mue alors en producteur, et l’histoire aurait pu s’arrêter là…

Sauf qu’aujourd’hui déboule ce Skulls Skulls Skulls Show Me The Glory, 3ème album du groupe après une pause de près de 20 ans… Alors, retour opportuniste susceptible de ne plaire qu’aux vieux fans, ou pire, album raté et daté ? Nous n'allons pas faire durer le suspense, mais clairement la réponse sera un triple non. Et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, il ne saurait y avoir de retour opportuniste pour un groupe dont la notoriété n’a pas dépassé un cercle plutôt restreint à l’époque (et surtout dans nos contrées), il faut bien l’avouer. La seule motivation à ce niveau ne peut être que l’envie et le plaisir.

Ensuite, rien de daté dans le son ou l’attitude du groupe, bien au contraire. Ils prouvent qu’à 45 balais ils peuvent en remontrer à plus d’un jeunot et envoyer un rock puissant et mélodique, avec une production béton assurée par Chris GORDON lui-même. Du pur BABY CHAOS 2.0, puisant à la fois dans ses acquis rock pop, évacuant les scories purement punk qui pouvaient parfois plomber les deux précédents albums, et lorgnant en même temps vers des productions plus heavy au niveau du son.

Enfin et surtout, ils livrent une collection de titres totalement imparables, tour à tour « prends ça dans ta face » (l’introductif « You can’t shut us up », le contrasté « Have faith in yourself » et ses choeurs d’enfants, le folk punk « PPP Peaches »), mélancolique sans être mièvre (le touchant « The Whispering of Giants », le désabusé « Out of the silence »), ou sinueux (l’entêtant « Poison Ivy Girls », le reptilien de « Habibi »). Un équilibre subtil entre force de frappe sonique et précision d’écriture, avec un sens du développement qui flirte parfois avec une certaine idée du progressif.

Avec une science du riff qui tue et de l’arrangement qui fait mouche par son efficacité et sa capacité à rendre l’ensemble parfaitement lisible sous les couches de guitares, BABY CHAOS enchaîne les hymnes décadents et sexy que viennent lézarder des solos héroïques, le tout porté par la voix puissante et souple de CHRIS GORDON, décidément en pleine possession de ses moyens (composition, guitare, chant, mixage, mastering, excusez du peu…). Du coup, on se prend à espérer une suite… si possible avant 20 ans.

BABY CHAOS signe avec ce Skulls Skulls Skulls Show Me The Glory plus qu’un retour gagnant qui n’a pas à rougir de ses deux aînés. Il signe un des meilleurs albums de rock de l’année. Malheureusement, coincé entre les retours de deux mastodontes (BLUR et FAITH NO MORE), il y a peu de chance que cet album reçoive un accueil médiatique à la hauteur de ce qu’il mérite. Raison de plus pour nous d’en parler dans ces colonnes, et pour vous de vous le procurer.