Il est toujours intéressant d'apporter un regard et un point de vue extérieur au monde de la musique à l'école, à l'apprentissage de notre cher 4ème art de façon plus ou moins académique, du conservatoire au lycée, en passant par les formations régionales. Les pays Celtiques ne sont pas les derniers en la matière.

Pour preuve, même en France, où l'image de la musique à l'école est souvent minée par le concept de la flûte à bec, il y a de nombreuses initiatives qui poussent des enfants, adolescents et jeunes adultes à travailler "sérieusement" la musique durant leurs temps d'école/études. On peut même dire qu'elles luttent pour continuer tant le contexte leur est de moins en moins favorable... Dans le domaine du patrimoine "régional" (sic !), la Corse et la Bretagne demeurent les meilleurs élèves.

Et donc, puisqu'on parle de Bretagne, allons donc faire un tour chez les parents Écossais ! Les élèves du National Centre of Excellence in Traditional Music viennent justement de faire paraître leur 14ème offrande annuelle, baptisée Top of the Crops. Qui dit traditionnel n'empêche pas que les étudiants bénéficient d'une grande liberté en termes de création, même s'il faut évidemment tenir compte des limites du format CD, sur lequel tout ne peut pas figurer !

La diversité est de mise, on côtoie aussi bien des airs emblématiques de la musique gaélique écossaise ("The Road to Willie's", "Major Manson") que des compositions inspirées et étonnantes, à l'image de "Quisquous" et "A Bhean Ud Thall". Le pianiste/claviériste injecte volontiers des influences jazz dans les danses, comme le démontrent encore "Lucky Nessa" et "Ridee". "West Wall" renferme des passages orientés fusion, avec quelques clins d'oeil à Dave BRUBECK et son "Blue Rondo à la Turk", une variation jouée aux whistles, violons et accordéons ! Amazing...

Les violons et les cornemuses, small pipes (Northumbrian) ou bagpipes (Highlands), sont de fête sur les sets/medleys, de "Marion and Donald and Davy" à "Jani's" en passant par la "Gypsy" et ses consonances naturellement jazz manouche. Celle-ci est une preuve supplémentaire du rapprochement indéniable des musiques traditionnelles, ici davantage rythmique que mélodique. Les musicien(ne)s se font visiblement plaisir, on trouve de vrais virtuoses : le pianiste, le joueur de low whistle sur "The Federals", l'accordéoniste qui utilise son instrument comme le ferait un guitar-hero dès le premier morceau.

Arrêtons-nous un peu sur les chanteurs : la voix masculine rare, hélas un peu trop approximative malgré un beau timbre. En priorité, parlons d'une certaine petite merveille de voix féminine... Sur les chansons "Gur Mileas Morag" et "Waterlily", airs sur fond de guitare comme danses ("Lumsden's", où elle fait délicieusement swinguer la langue gaélique !), sa voix soprano pure et pleine de sensualité nous fascine, bien qu'elle soit loin d'être la première dans son style...

D'autres chanteuses nous offrent un sympathique "For a'That", et toute la chorale s'unit pour un "Donald" fort égayant. On peut encore mentionner le quatre-mains de piano du deuxième CD, dont les accords de fin, volontairement ou non, ne manquent pas d'évoquer "Kayleigh" de MARILLION, sachant que FISH le chanteur a participé au rayonnement du pays au chardon...

Ce qu'il y a de bien avec ce double disque -et malgré un fil conducteur (la musique écossaise) qui pourrait constituer un rempart pour le profane et le sceptique-, c'est que non seulement il est diversifié et complet en matière de styles, mais qu'en plus il joue sur une sorte de dualité. En effet, autant la première partie est lumineuse, autant la seconde parait plus sombre et peut-être moins passionnante par moments, mais l'ensemble demeure réussi et au moins, intéressant !

Gageons que le succès de cette chronique renforce les échanges scolaires musicaux entre la France et l'Ecosse ; on peut toujours rêver !...