Simon Posford doit être quelqu’un de très gentil. Quand on écoute HALLUCINOGEN, malgré la puissance que le tout dégage, ce n’est jamais violent. Loin de s’adonner à la tendance « Trance Psychédélique », cet éternel héritier de la goa qui vous fait mariner avant de lâcher la cavalerie toujours trop tard, Simon Posford a préféré voguer vers des mers plus calmes sur fond ambient. Il s’est ainsi associé à Raja Ram de The INFINITY PROJECT, un groupe d’éléctro ambient, assez éloigné d’HALLUCINOGEN finalement, si ce n’est pour ses ambitions psychédéliques. SHPONGLE est né de cette association dès 1996, bien avant que Simon n’abandonne le navire HALLUCINOGEN à son triste sort.

Malheureusement pour les amoureux de la goa, le mariage des deux va donner un sérieux avantage à Raja Ram et son côté World Music/Ambient. Certes, on retrouvera bien quelques sonorités acides ci et là, c’est notamment le cas sur "Vapour Rumours", premier single sorti en 1996, très réussi dans sa seconde partie. Raja Ram lui, joue de la flûte, et nous en offre une belle démonstration dans les arabesques de "Behind Closed Eyelids". Mais dans l’ensemble, la vélocité et le beat ravageur d’HALLUCINOGEN ont tristement fondu comme neige au soleil.

Il faut reconnaître à SHPONGLE son originalité, l’album est parcouru d’idées diverses. Pour peu que vous donniez sa chance à l’album, vous saurez reconnaître l’inventivité qui fit d’HALLUCINOGEN un groupe étalon, loin de la répétitivité assommante qui plombe bien des groupes d’électro. On parvient à se prendre au jeu, l’espace de quelques mesures, dans cet univers aux ondes positives et bigarrées. SHPONGLE dixit Raja Ram, serait un terme pour décrire une sorte de positivisme. On décèle ci et là des références à quelques substances hallucinogènes, dont la DMT. Ce qui peut être facilement ignoré sur tel ou tel album de Trance, tant que la musique est bonne, devient ici, il semblerait, un ingrédient indispensable pour apprécier le produit.

La condition humaine est telle que ne pas chercher à s’en évader par quelconque moyen relève probablement du masochisme. Chacun trouvera son compte dans ses relations, le sexe, les endorphines produites par toute activité physique, le travail, la fiction, la création, l’alcool ou n’importe quoi. Chez votre serviteur, c’est principalement la musique et les jeux-vidéo qui permettent cette évasion. Lorsque cette première produit des choses aussi réussies que "Divine moments of truth", en me prenant par la main et sans jamais me lâcher des minutes durant, je suis au Paradis.

Malheureusement, sur le reste de l’album, Are you shpongled? vous balade au gré de ses univers, dont les transitions sont soignées. On perd cependant le fil à force de moments contemplatifs, où entre deux bonnes idées SHPONGLE s’arrête de parler pour vous laisser planer. De nombreux moments calmes, presque ésotériques, s’enchaînent dans ce grand délire hippie-hindou-amérindien. Il faut alors, très certainement, avoir allumé le calumet de la paix, mâché quelque feuille de coca ou entériné un mantra de quelques lignes 108 fois de suite en l’honneur d’Hare Krishna pour suivre le délire.

C’est là tout le problème que pose SHPONGLE, et avec lui toute la dérive qui s’est rattachée à la musique électronique dans le courant des années 90. L’usage de substance illicite, largement revendiqué par les créateurs, doit-il devenir un élément constituant pour apprécier la musique ? A cela je réponds non. Si Are you shpongled? doit, très probablement, être une sorte de catalyseur sous l’effet de tel ou tel psychotrope, il reste une visite un peu laborieuse des méandres de la psyché de ses cofondateurs sans cela. La musique se doit d’être un moyen d’évasion qui se suffit à lui-même. Plus d’un album de goa aura prouvé que cela est une possibilité. Are you shpongled, malgré toute la générosité de ses géniteurs, ne répond pas à ce critère.