Entrez entrez mesdames et messieurs ! Embarquez dans ce joyeux barnum ! Oyez les fabuleuses histoires, les réjouissantes parodies, les jeux de mots acrobatiques, délectez-vous de cette poésie funambule, regardez ces numéros s'enchaîner sous vos yeux ébahis. Regardez-les, regardez-vous. Les clowns se sont eux et c'est un peu nous aussi qui participons à cette farandole de tableaux astucieux. Ce propos liminaire pour paraphraser le morceau d'ouverture: "6/8". Java se charge brillamment de chatouiller nos zygomatiques, d'y faire des crocs en jambe avec des jeux de mots laids et parfois même avec gravité, alors forcément, nous voilà à terre. Et à taire le chant ne saurait s'y résoudre tant le débit abonde, la verve est féconde mais au gré d'une interlude, la musique sait se faire soliste sur un air de java ("le 10").

"ce s'ra tout" et "Bzzz" sont un festival de trouvailles qui rivalisent d'inventivité. Boby Lapointe n'aurait pas renié la descendance de ces quatre rejetons (en boîte). La première, sous-titrée la boulangère, s'amuse à enchaîner les images pâtissières bien roulées dans un dialogue amoureux fantasmé de la part du client vers sa boulangère qui mettra un temps nonchalant à se rendre compte des libidineuses pensées pâtissières de son client. L'échange savoureux est nappé d'une musique parfum accordéon syncopé. Le titre suivant, autour d'un question/réponse, enchaîne les sombres métaphores égrainées par un déprimé à la voix d'un illuminé régressif avec en fond sonore un sample court sempiternellement en boucle, comme une folie quotidienne, immobile et neurasthénique.

Le groupe a voyagé jusqu'à Rio De Janeiro pour enregistrer cet album et le single "Samba do Jérusalem" s'active autour des atours du sexe féminin à travers le prisme des religions monothéistes, trois prières toutes tournées vers la femme. Deux autres chansons porteront la saveur brésilienne, l'hilarant "sacrifice chez les zombile" (Nicolas Hulot chez les Bibaros?) et l'inquiétant bien que dansant "la guerre". R.wan écrit admirablement ses propos, et même parfois, la qualité de l'écriture prime sur la musique et pourrait presque nuire à celle-ci, c'est le cas pour "La Carte bleue", "Alinéa" et "La Muse", dommage, il manque un lien entre les deux. Alors que pour les morceaux plus fantaisistes mais non moins bien écrits, l'alchimie est plus réussie. L'ineffable conte "Cendrier" ou les aventures d'un Cendrillon érémiste exaucé par la fabuleuse Fée Gitane. Le pont est un peu basique mais l'histoire est tellement... "belle", que tout est pardonné. Le groupe se paye même la tête de FIP, avec une interlude à la musique qui déraille, derrière un monologue radiophonique tantôt cynique tantôt féroce, et parfois un peu gratuit (ou facile).

Il serait un peu hâtif de ranger Java aux pages rock musette, c'est un savant mélange avec ces deux ingrédients donc mais en y rajoutant le hip-hop, le rap, l'électro et donc ici une bonne louche de musiques afro-latines et bien-sûr la folie douce des acteurs de ces scénettes chantées. Même si l'album des quatre trublions (le second) est parfois inégal, un seul mot reste en bouche à la fin de la lecture: réjouissif.