Après des années de pause pas seulement liées au hiatus décidé par Bruce SPRINGSTEEN pour le E STREET BAND, 1991 est l'année où Nils LOFGREN tente de reprendre sa carrière solo en main. Pas pour très longtemps, mais il est vrai que jusqu'au milieu de la décennie, il fait de nouveau preuve d'une régularité certaine et qui fait plaisir. Silver Lining est le premier des deux albums parus en moins de deux ans (preuve d'un bon besoin de relancement) chez Rykodisc, label indépendant lié à Castle Communications et donc de manière plus ou moins directe à la major Warner.

LOFGREN y retrouve son vieil acolyte Andy Newmark à la batterie ainsi que le bassiste Kevin McCormick qui avait fait une apparition remarquée sur l'excellent Wonderland (1983). L'effectif du groupe ayant été réduit depuis Flip (1985), il y a moins de claviers et le seul à s'en occuper se trouve être Scott Thurston (pas mal présent auprès de Iggy POP depuis la fin des années, également auprès de The CULT, Bonnie RAITT, Melissa ETHERIDGE). En guests de marque : l'organiste Billy Preston, Levon Helm (de The BAND) ainsi que Ringo STARR tous respectivement pour deux ou trois titres ! Et pour le reste, on vous laisse la surprise.

On se laisse surprendre par le son très blues-rock de "Silver Lining", comme pour signaler un retour aux sources afin de mieux clôturer la parenthèse des années 80. Des guitares en avant avec des soli héroïques pour souligner la mélodie chantée, l'orgue de Preston et l'harmonica de Helm aussi bien audible dans les choeurs, ce refrain terriblement excellent et ce final endiablé... Pas de doute, Nils a faim !

Bien que différente, on trouve la même énergie sur "Trouble's Back" en matière de blues rugueux, avec un duo étonnant Helm-Clarence 'Big Man' Clemons de l'alors feu-E STREET BAND au sax tout aussi bon en accompagnement des chants qu'en soliste, suivant de près la guitare. L'équipe est également changée pour ce titre réalisé en compagnie de Gigi Gonaway (batteur de stars américaines diverses), Kevin Russell à la guitare (707, Ted NUGENT, Ace FREHLEY) et du bassiste Polo Jones (ZUCCHERO).

Nils LOFGREN n'oublie pas que de telles récréations musiciennes ne doivent pas effacer l'envie de toucher un public plus large. "Girl in Motion" et "Valentine", sont ainsi résolument dédiées à un public féminin et non sans classe, surtout dans le cas de la première avec ses influences latines et tous ses éléments de séduction directe ; la seconde est plus crème encore et évoque les 80's, avec des claves à contretemps pour les refrains, très caractéristiques de Bruce SPRINGSTEEN millésimé 1987. Celui-ci apparaît d'ailleurs en choeurs, mais de façon plutôt méconnaissable, convenons-en.

Plus réussie est "Little Bit o' Time" pop taillée pour la route avec de belles ambiances californiennes, mais puisqu'on parlait d'invité vocal, c'est l'ami Ringo STARR qui s'incruste auprès de Nils sur "Bein' Angry", à nouveau bien ancré dans le blues, étiré comme il faut pour laisser la guitare s'exprimer avec force. De bons titres, mais le sommet de ce cru 91 est encore à chercher autre part !

Ringo tient la batterie sur "Walkin' Nerve", au feeling blues-country partagé entre fraîcheur vocale et mordant de la guitare, pour le moins éclatant et assez addictif. Aussitôt après, "Live Each Day" réussit également bien son coup avec un refrain pop tout aussi léché, un coup piano-synthé mieux marqué tout comme les remontées de guitare slide sur les parties chantées. "Sticks and Stones", climax prodigieux de cet album par sa densité et ses arrangements, le synthé en nappes complétant la six-cordes hantée à merveille, est un tremplin pour LOFGREN possédé dans son chant.

Ce trio de titres à la suite figure parmi ce qu'il a pu offrir de mieux. Idem, ce disque à la réalisation plutôt 'live' s'insère joliment dans une ouverture de décennie 90 qui n'a pas vu tant d'éléments comparables en termes d'oeuvres musicales mesurées dans leur son comme dans leur durée.