Le premier album de ce Hollandais vintage a obtenu un joli succès critique en France, assez peu ailleurs. C'est donc surtout chez nous que ce deuxième opus était attendu. Jacco GARDNER nous propose avec Hypnophobia (la peur de dormir) un album concis (10 titres) et ne dévie pas, dans le fond, de ce qui l'a amené sous les feux des projecteurs : de la pop/folk qu'on appelle "psychédélique", entendez donc "avec des claviers sixties, de l'écho sur les voix et des guitares douze cordes". Son Cabinet of Curiosities (2013) ayant porté ce genre à de jolis sommets mélodiques et orchestraux, inutile de dire que nous étions sur le pied de guerre.

Après une écoute, puis une deuxième, puis une troisième... rien ne vient vraiment émerveiller comme il avait su le faire. Symptomatique de ce disque : des instrumentaux. Je n'ai rien contre des morceaux non chantés, ils peuvent constituer de jolies transitions ou des respirations bienvenues, voire des pièces de bravoure aux mille variations. Ici, ce sont de longues plages qui tournent en rond autour de quelques accords. Par la longueur qu'il leur donne, GARDNER leur accorde une importance certaine. Et se fout un peu de notre gueule. "Before the Dawn" (pas vraiment un instrumental mais la voix n'intervient quasiment pas) dure huit minutes (!) sur 4 accords simplets qui tournent en boucle... pas impérissable pour un sou. Autre exemple typique de l'album, "Grey Lanes", qui séduit immédiatement mais ne décolle jamais totalement, l'oreille se tend, attend la voix qui n'arrive jamais. Ce n'est pas moche, c'est plaisant même, mais ce qui nous bluffe chez GARDNER c'est sa capacité à faire d'excellentes chansons. Pourquoi sa voix ne vient-elle pas poser une mélodie sur ce beau canevas ? Dommage... "All Over", autre instrumental, provoque la même frustration. C'est gentil, agréable, très bien sonorisé entre les différents claviers, mais ça fait limite musique d'entracte, ou générique de dessin animé des années 70. On se surprend à se demander ce qu'auraient fait les KINKS ou Nick DRAKE de ces jolies suites d'accords.

Sentiment de léger gâchis qui perdure avec le morceau-titre, "Hypnophobia". La belle guitare douze-cordes qui évoque certaines belles heures de GENESIS (par exemple) tourne rapidement à vide. Ces accords d'intro s'avèrent être les seuls accords de ces 5'30", alors qu'il y avait du potentiel pour davantage - comme si le morceau était une démo d'un vrai morceau à sortir plus tard. Pourtant y a quelque chose. C'est pas nul du tout, et la volonté de se démarquer de Cabinet of Curiosities doit être appréciée.

"Find Yourself" lasse par son gimmick pataud répété à l'envi, tout comme le mid-tempo de "Outside Forever" qui semble hésiter maladroitement entre nous faire planer ou nous entraîner... la basse au médiator qui se balade n'est pas une recette pour tous les plats, Jacco ! Sans parler de cette fin instrumentale qui n'apporte rien. La mélodie de "Another You" frappe par sa banalité et "Make me See" est soporifique... Damned ! Que peut-on sauver ?

On sauve "Brightly", bien sûr ! Là on le retrouve, notre songwriter. Cette chanson de 3 minutes est aérienne, accrocheuse, avec claviers psyché discrets et deuxième voix aux petits oignons. Quelle petite merveille ! Cette mélodie, ce refrain, laissent imaginer ce qu'auraient pu être bien d'autres titres de Hypnophobia. Cela nous montre ce dont le Batave est capable quand il s'en donne la peine. Le reste de l'album a un parfum d'inachevé, des textures, des idées, mais quasiment aucune qui fait mouche.